De retour de la zone de conflit

13 mars 2014
Le Dr John Macdonald (deuxième à partir de la droite), anesthésiste et spécialiste des soins intensifs à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, pose avec des collègues dans leurs installations médicales à l’aéroport de Kandahar, en Afghanistan.

Il n’a pas plus de sept ans. Un petit bonhomme dépenaillé aux yeux noirs que son frère cadet ne lâche pas d’une semelle. Depuis des jours, ils s’installent tout près de l’aéroport de Kandahar dans l’espoir de vendre assez de boîtes de jus pour survivre. Comme la plupart des garçons de son âge, il ne tient pas en place, bougeant sans cesse et hélant les passants.

Soudain, il n’est plus là, happé par une mine après avoir posé le pied à l’extérieur de la surface dure à l’entrée du camp. Il retombe à un endroit, et ses jambes, à un autre. Presque aussitôt, il est entouré de soldats et emporté d’urgence à l’hôpital militaire dirigé par les Forces canadiennes.

C’est là qu’il rencontre le lieutenant-colonel John Macdonald , M.D., qui l’an dernier a pris sa retraite des Forces après 20 ans de service. Le Dr Macdonald est anesthésiste et spécialiste des soins intensifs à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO).

« Nous l’avons réanimé et avons nettoyé ses moignons, raconte le Dr Macdonald. Le len-demain, nous lui avons demandé de quoi il se souvenait. Il a dit qu’en tournant la tête, il avait vu ses espadrilles et compris que ses jambes n’étaient plus attachées au reste de son corps. Il a dit : “J’ai su que ma vie venait de changer.” »

Sous certains aspects, cet épisode et d’autres encore ont aussi changé le Dr Macdonald. Originaire de l’Île-du-Prince-Édouard, John Macdonald a étudié la médecine à l’Université Western Ontario, où il s’est enrôlé. Après avoir passé quelque temps à la Base des Forces canadiennes Trenton et au Centre d’entraînement de Dwyer Hill de la Deuxième Force opérationnelle interarmées, il a participé à des missions de maintien de la paix en Bosnie, en Afrique et sur le plateau du Golan, en plus de faire trois périodes de service en Afghanistan.

« La première fois que je suis allé en zone de conflit, en 2006, c’était extraordinaire. J’ai vu et fait des choses incroyables. À la fin de la journée, vous pouvez vous féliciter d’avoir littéralement sauvé des vies. La médecine est super et la forte pression rend l’expérience extrêmement intense. »

Toutefois, entre la poussière et la saleté, le chaos, et l’anxiété de vivre et travailler étroitement avec les mêmes personnes jour après jour, les conditions de vie sont éprouvantes. Situé tout près d’une piste d’atterrissage achalandée et bruyante, l’hôpital (composé d’un conteneur maritime modifié et d’une tente) n’est jamais totalement exempt de poussière, car elle s’incruste partout, dit le Dr Macdonald. De plus, le camp fait souvent l’objet d’attaques à la roquette.

« Un jour, raconte-t-il, alors que je traversais le camp pour me rendre à l’hôpital, il y a eu une grosse explosion. Je me suis dit que ça nous apporterait du travail. Des travailleurs afghans dans une camionnette transportant des explosifs s’étaient approchés de l’entrée, mais avaient perdu leur sang-froid et actionné la bombe plus rapidement que prévu. Puis, j’ai entendu une autre explosion. Cette fois, c’était un pilote qui s’était éjecté de son avion après un décollage manqué, et l’avion s’était écrasé. Au milieu du chaos, nous attendions que les victimes arrivent. J’ai fait une recherche, et Yahoo annonçait déjà 16 victimes. C’est l’Internet qui nous tenait au courant alors même que ça se produisait. »

« Le bon côté, c’est que nous faisions du bon travail, sauvions des vies, changions les choses, comme pour ce petit garçon. Il n’aura pas une vie facile, mais nous l’avons tout de même sauvé. »

Même si cette période de sa vie est terminée (« maintenant, je conduis pour me rendre au travail, je prends un café et j’écoute CBC »), ce père de quatre enfants fait quand même des liens entre la vie en Afghanistan et la vie à Ottawa.

« Comme en Afghanistan, je travaille dans un petit hôpital où une petite équipe accomplit de grandes choses, note-t-il. Tout le monde vous connaît. Et comme nous sommes en salle d’opération, il y a beaucoup d’intensité, ce que j’adore, et on peut obtenir de bons résultats. J’aime les soins intensifs et les situations où les choses vont très vite. Comme là-bas, je profite de l’expérience professionnelle, du travail lui-même, des défis et de la camaraderie. La grande différence, c’est qu’ici, nous ne sommes pas menacés. »

En tant qu’anesthésiste et intensiviste, le Dr Macdonald passe beaucoup de temps à l’Unité de soins intensifs en chirurgie cardiaque de l’Institut, où il gère, au sein d’une équipe dévouée de médecins, d’infirmières, d’inhalothérapeutes, de physiothérapeutes et d’autres professionnels, le processus de guérison parfois complexe de patients ayant subi ou non une intervention chirurgicale.

« J’ai toujours dit que l’emploi parfait serait de pouvoir à la fois changer des vies et rentrer à la maison à la fin de la journée, conclut-il. Et c’est ce que j’ai ici. »

À venir bientôt
  • Le Dr Macdonald sera en vedette lors du prochain téléthon de l’Institut de cardiologie , qui sera diffusé le 23 mars 2014 sur les ondes de CTV Ottawa.
  • Apprenez-en plus sur les soins intensifs et l’Unité de soins intensifs en chirurgie cardiaque dans le prochain numéro de The Beat.