Vivre avec une cardiopathie congénitale de l’adulte : le parcours d’une patiente

23 juin 2014
Lana Gillard, patiente de la Clinique de cardiopathie congénitale de l’adulte, et sa famille profitant du plein air à la suite de sa deuxième opération cardiaque.

Lana Gillard avait l’habitude de se rendre à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO). Sa mère était une patiente de longue date, souffrant d’insuffisance cardiaque chronique après des années de traitement et plusieurs opérations à cœur ouvert. Mme Gillard l’accompagnait lors de ses rendez-vous, et elle savait que sa mère était entre d’excellentes mains.

Ce que Mme Gillard ne savait pas, c’est qu’une anomalie présente dans son propre cœur bien avant sa naissance ferait aussi d’elle une patiente alors qu’elle était enceinte de son deuxième enfant. Elle n’était pas au courant qu’il existait une maladie telle que la cardiopathie congénitale de l’adulte – une malformation cardiaque chez des adultes qui vivent avec cette anomalie depuis la naissance. Et elle ne savait certainement pas que l’Institut de cardiologie hébergeait la Clinique de cardiopathie congénitale de l’adulte qui sauverait sa vie et celle de son bébé, puis qui la sauverait de nouveau 10 ans plus tard.

Tout ce que Mme Gillard savait en 2003, c’est qu’elle se sentait fatiguée, ballonnée et à court de souffle depuis un certain temps. Puis, un jour qu’elle montait les escaliers, elle a failli s’évanouir. Après un bilan de santé avec son médecin de famille, certaines analyses et des consultations auprès de différents spécialistes, Mme Gillard s’est retrouvée face à l’équipe de la Clinique de cardiopathie congénitale de l’adulte qui, en très peu de temps, lui a appris une foule de choses sur son cœur. Une excroissance dans son cœur – appelée « sténose sous-aortique » – était devenue si grosse qu’elle entravait le débit sanguin normal, forçant son cœur à redoubler d’ardeur pour que le sang continue à circuler. Son risque d’insuffisance cardiaque était élevé avec la poursuite de sa grossesse.

« J’étais effrayée, raconte Mme Gillard qui avait alors 27 ans. Je n’avais eu aucun indice jusqu’à ce jour. »

L’équipe, qui comprenait le directeur de la clinique Luc Beauchesne , M.D., et l’infirmière de pratique avancée Joanne Morin, a présenté à Mme Gillard les options qui s’offraient à elle : subir dans les prochaines semaines une intervention chirurgicale pour retirer l’excroissance, opération rare qui présentait certains risques pour sa grossesse; interrompre la grossesse; ou reporter l’intervention chirurgicale après la naissance du bébé. La dernière option était la plus risquée. Il y avait une possibilité bien réelle que Mme Gillard ne survive pas à l’accouchement si l’obstruction n’était pas éliminée. Interrompre la grossesse n’était pas une option acceptable pour Mme Gillard, d’autant plus que les tests montraient que le fœtus – à 22 semaines de grossesse – était en parfaite santé.

Norm, le mari de Mme Gillard, est rentré de toute urgence de Bosnie, où il servait au sein des Forces armées canadiennes. Ils ont commencé par donner un nom à leur garçon à naître, « Brody », puis ils ont fait des plans pour l’intervention chirurgicale. L’opération de six heures a été pratiquée par Gyaandeo Maharajh, M.D., du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, un chirurgien cardiologue pédiatrique et partenaire important de l’équipe de la Clinique de cardiopathie congénitale de l’adulte.

« Je me souviens m’être réveillée avec les tubes du respirateur encore en place, et tout de suite j’ai mis ma main sur mon ventre, raconte Mme Gillard. Je me rappelle avoir senti le bébé encore là. C’était un tel soulagement. »

Elle a ensuite pu donner naissance à Brody en toute sécurité à 38 semaines.

Pour Mme Gillard, l’annonce de son anomalie cardiaque a été reçue comme un choc, car la plupart des patients atteints d’une cardiopathie congénitale de l’adulte savent qu’ils ont une anomalie cardiaque et sont traités pour cela quand ils sont enfants. Mais ils ne se rendent pas toujours compte que de nombreuses cardiopathies congénitales peuvent entraîner des complications à l’âge adulte. Selon Mme Morin, au cours de la dernière décennie, les professionnels qui soignent les patients atteints d’une cardiopathie congénitale de l’adulte ont beaucoup insisté sur l’importance de faire un suivi constant de ces maladies quand les patients vieillissent.

« Je me rappelle avoir senti le bébé encore là. C’était un tel soulagement.  » – Lana Gillard

« Nous insistons auprès des parents et nous expliquons aux enfants que même s’ils sont bien maintenant, qu’ils aient subi ou non une opération, leur état peut se détériorer de façon inattendue et nécessiter une intervention un jour ou l’autre », explique Mme Morin.

« Les enfants pensent qu’ils sont invincibles, ajoute-t-elle. Bon nombre de patients devant subir une intervention chirurgicale se sentent bien, alors c’est difficile à accepter. Je dois leur faire comprendre qu’ils doivent venir nous voir de temps en temps, et ce, même si ce sont des adultes qui ont une vie bien remplie. »

Quant à ses patientes atteintes de cardiopathie congénitale qui prévoient une grossesse, Mme Morin les exhorte à venir d’abord à la clinique pour subir des examens et ainsi s’assurer que leur cœur est capable de faire le travail de 30 à 50 p. 100 plus exigeant consistant à pomper le sang pour la mère et le bébé. L’équipe recommande aussi de faire subir des examens aux bébés des patients atteints de cardiopathie congénitale pour voir s’ils ont aussi une anomalie cardiaque.

« Dans la population en générale, le risque d’anomalie congénitale est de près de 1 p. 100, et ce, pour l’ensemble des anomalies allant des plus bénignes aux plus graves qui mettent la vie en danger, rapporte Mme Morin. Mais si le parent présente une anomalie congénitale, les risques pour l’enfant augmentent pour atteindre 3 à 6 p. 100, ce qui fait qu’il est important de procéder tôt au dépistage. »

Les deux garçons de Mme Gillard ont subi des examens, tout comme sa sœur, et pendant les 10 années qui ont suivi sa première opération, Mme Gillard a pris bien soin d’aller régulièrement à ses rendez-vous à la clinique. Vers la fin de l’année dernière, elle a commencé à ralentir de nouveau et à éprouver des symptômes familiers de fatigue et d’essoufflement.

« Mon corps me parlait, mais il y avait un peu de déni de ma part », raconte Mme Gillard aujourd’hui âgée de 37 ans.

Les examens ont confirmé ce que les médecins soupçonnaient : la sténose sous-aortique était de retour. Mme Gillard a été réopérée en avril – presque 10 ans après sa première opération, par le même chirurgien. Elle se remet bien et attend l’été avec impatience pour aller pêcher et nager avec ses garçons, et lire sur la plage.

« Ils sont tout simplement extraordinaires, incroyables », dit Mme Gillard quand elle parle des membres de l’équipe de l’Institut de cardiologie. « Je ne sais pas ce que j’aurais fait si nous ne les avions pas eus ici. Leur intervention rapide a permis une issue favorable à deux reprises. Si nous avions attendu, les choses n’auraient pas été pareilles. »

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