Point de mire sur l’insuffisance cardiaque : Lutter contre une épidémie silencieuse

8 juin 2015

Essoufflement, chevilles enflées, fatigue – des symptômes qu’on peut facilement attribuer au vieillissement. Cependant, pour plus de 600 000 Canadiens, ce sont les signes de quelque chose de bien plus sérieux. En fait, ils font partie de ces symptômes désespérément non spécifiques de l’insuffisance cardiaque, la seule forme de maladie du cœur qui devient plus fréquente.

« Nous sommes en train de gagner la guerre contre les maladies cardiovasculaires, mais nous perdons sur le front de l’insuffisance cardiaque, en partie parce que les gens vivent plus vieux avec des cœurs endommagés », observe Peter Liu, M.D., directeur scientifique et vice-président de la recherche à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.

C’est un paradoxe qui découle de notre réussite à sauver la vie des gens frappés par un accident vasculaire cérébral ou une crise cardiaque, une réussite au coût élevé pour les gens et le système de santé, d’expliquer le Dr Liu.

L’insuffisance cardiaque est une maladie chronique complexe et évolutive. Une personne sur quatre souffrant d’insuffisance cardiaque décède dans l’année qui suit le diagnostic, et la moitié décède dans les cinq années qui suivent. Au Canada, le nombre de décès annuels attribuables à l’insuffisance cardiaque dépasse celui de tous les cancers du sein, du côlon et de la prostate réunis. Vivre avec une insuffisance cardiaque peut se traduire par une piètre qualité de vie, rendant difficile pour la personne atteinte la participation aux activités qu’elle aime.

Pour le système de santé, l’insuffisance cardiaque est synonyme de plus d’hospitalisations. Il s’agit en fait de la plus importante cause d’admission non planifiée à l’hôpital chez les personnes de 65 ans et plus. Le coût de ces soins hospitaliers est considérable : plus de 10 milliards de dollars par année. En fait, l’insuffisance cardiaque est la maladie chronique la plus coûteuse pour les Canadiens, et on s’attend à ce qu’elle touche de plus en plus de personnes avec le vieillissement de la population.

Le Dr Liu parle de l’insuffisance cardiaque comme d’une « épidémie silencieuse », en partie parce que la maladie est difficile à reconnaître pour les médecins de soins primaires et leurs patients avant qu’elle ait atteint un stade avancé, mais également parce qu’elle ne reçoit pas autant d’attention que d’autres problèmes de santé en croissance.

Néanmoins, les progrès sur le plan des dispositifs implantables et des nouveaux médicaments offrent de nouvelles options de traitement pour l’insuffisance cardiaque qui pourraient réduire la mortalité et les hospitalisations. Et la recherche visant à trouver des façons de détecter plus tôt l’insuffisance cardiaque est devenue une priorité.

L’Institut de cardiologie est en train d’élaborer une nouvelle stratégie intégrée pour améliorer les soins de l’insuffisance cardiaque tant sous son toit que dans la grande région de l’Est de l’Ontario qu’il dessert. L’effort associe les soins hospitaliers aux outils et aux systèmes afin de faciliter la transition des patients qui rentrent à la maison (voir « Le télémonitorage à domicile aide les patients à prendre soin d’eux » en page 5), avec l’appui des médecins de soins primaires dans la communauté (voir « Renforcer le réseau de soins » en page 3).

« Le traitement de l’insuffisance cardiaque tient en grande partie au réseautage avec les médecins de soins primaires », souligne Lisa Mielniczuk, M.D., directrice du programme d’insuffisance cardiaque à l’Institut de cardiologie. « Il est très important de mettre sur pied notre programme régional et de fournir l’infrastructure et les outils à
ces médecins. »

La Dre Mielniczuk a aussi noté que la stratégie régionale de traitement de l’insuffisance cardiaque est une extension naturelle de l’approche d’équipe qui a cours à l’Institut de cardiologie, et en vertu de laquelle une équipe multidisciplinaire de cardiologues, de chirurgiens, d’infirmières et d’autres professionnels paramédicaux, tels que des nutritionnistes et des physiothérapeutes, travaillent de concert pour offrir des soins personnalisés à chaque patient atteint d’insuffisance cardiaque.

L’objectif de ces différentes initiatives est d’abord et avant tout de garder les patients hors de l’hôpital et, quand ils doivent être hospitalisés, d’éviter leur réadmission une fois qu’ils ont reçu leur congé. Il en résulte non seulement de meilleurs soins et une meilleure qualité de vie pour les patients, mais aussi une utilisation à meilleur escient des trop rares ressources en soins de santé.

Lisa Mielniczuk, M.D. (à gauche), directrice du programme d’insuffisance cardiaque de l’Institut de cardiologie, assiste à la plus récente Conférence d’Ottawa sur la recherche en cardiologie, qu’elle a contribué à organiser, portant sur les dernières avancées dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.

« Il y a beaucoup d’incertitude, beaucoup d’ambivalence et beaucoup de craintes que les patients atteints d’insuffisance cardiaque et leur famille doivent affronter », explique la Dre Mielniczuk. « L’une des choses que nous essayons de faire à l’Institut de cardiologie, c’est de les aider à comprendre ce que cette maladie signifie pour eux, ce que nous allons faire pour la traiter et à quoi ils peuvent s’attendre pour la suite des choses. »

La bonne nouvelle, assure-t-elle, c’est que de nombreux patients atteints d’insuffisance cardiaque peuvent reprendre une activité normale ou quasi normale avec un traitement. « Pour la plupart des patients, il y a une amélioration. »

Cette bonne nouvelle était au cœur de la Conférence d’Ottawa sur la recherche en cardiologie, qui s’est tenue en avril dernier sous le thème « Dernières avancées dans le traitement de l’insuffisance cardiaque : la science et l’art ». La conférence abordait des sujets d’intérêt pour satisfaire la curiosité de tous, des chercheurs en insuffisance cardiaque aux cardiologues en passant par les médecins de soins primaires, les professionnels paramédicaux et les innovateurs en matière de politique de santé (voir « Progrès dans le traitement de la maladie »).

La conférence a accentué la conviction des Drs Liu et Mielniczuk que le diagnostic d’insuffisance cardiaque n’a pas à être dévastateur. L’Institut de cardiologie fait de cette conviction une réalité grâce à ses programmes novateurs qui soutiennent les patients et leurs professionnels de la santé.