Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac adapté pour les médecins indépendants

29 mai 2012

Le milieu de la médecine familiale revêt une grande importance dans la gestion des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, la prévention de l’apparition des maladies du cœur et la prise en charge des facteurs de risque à la suite d’un problème cardiaque. Selon le Dr Andrew Pipe, chef de la Division de prévention et réadaptation de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), si un patient fume, l’aider à cesser de fumer doit être une priorité.

« En fait, aider un patient à cesser de fumer est la chose la plus importante que nous puissions faire pour prévenir la maladie du cœur et réduire le risque d’un éventuel problème cardiaque chez les patients atteints de cardiopathie », explique Sophia Papadakis, Ph. D., M.G.S.S., directrice du programme d’abandon du tabac dans les établissements de soins de santé primaires de l’Institut de cardiologie. Cesser de fumer est un moyen beaucoup plus efficace de réduire le risque que d’abaisser la tension artérielle ou de réguler le taux de cholestérol, mais en médecine familiale, on ne s’y attaque pas toujours de la même manière qu’aux autres facteurs de risque, ajoute-t-elle.

Afin de soutenir les changements positifs dans la prise en charge de l’abandon du tabac au sein de la communauté, l’Institut de cardiologie a adapté pour les médecins de soins primaires son Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac, un programme complet pour cesser de fumer, mis au point à l’origine pour les patients hospitalisés.

Depuis 2002, le Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac a ciblé plus particulièrement les fumeurs qui étaient hospitalisés (pour n’importe quel problème médical, pas seulement en raison d’une maladie du cœur). Le succès du programme pour amener les participants à cesser de fumer a mené à son adoption dans plus de 120 hôpitaux au Canada. Selon ce modèle, tous les patients qui fument sont identifiés et se voient offrir un accompagnement et des médicaments antitabagiques. Ceux qui tentent de cesser de fumer bénéficient également d’un suivi automatisé pendant deux à six mois ou sont dirigés vers un programme de soutien dans la communauté.

Les résultats ont été impressionnants : une évaluation du Modèle d’Ottawa réalisée dans les hôpitaux du Réseau local d’intégration des services de santé (RLISS) de Champlain a montré une augmentation des taux d’abandon, passant d’un peu moins de 19 p. 100 à près de 30 p. 100. Depuis 2006, l’Institut de cardiologie a pris part aux initiatives de déploiement du Modèle ailleurs au Canada. À ce jour, le Réseau du Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac a rejoint près de 50 000 fumeurs.

L’efficacité du Modèle d’Ottawa est rapidement venue aux oreilles des praticiens de l’extérieur des hôpitaux. « En 2008, nous avons commencé à recevoir des appels de médecins de soins primaires et de médecins de famille nous demandant pourquoi nous n’intervenions pas dans les environnements de soins primaires », raconte Mme Papadakis.

Pour répondre à ce besoin insatisfait, la Division de prévention et réadaptation de l’Institut de cardiologie a déployé un programme pilote appelé « Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac dans les établissements de soins de santé primaires ». En raison du succès qu’a connu le projet pilote, le programme en soins de santé primaires, dirigé par Mme Papadakis, est maintenant testé dans 39 groupes de médecine en Ontario.

La médecine de soins primaire et familiale est en première ligne des efforts visant à aider les fumeurs à cesser de fumer. Élaboré par l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, le programme ESCAPE (Effective Smoking Cessation in Primary Care) adapte le Modèle d’Ottawa pour l’abandon du tabac de l’Institut, qui connaît un énorme succès, pour les médecins travaillant en solo. (Actuellement offert en anglais seulement)

Toutefois, cibler les groupes de médecine ne permet pas de rejoindre tous les médecins de premiers recours. Au Canada, quelque 200 000 médecins de famille travaillent seuls, sans les ressources dont disposent les plus grands cabinets, souligne Mme Papadakis. Pour faire connaître les techniques éprouvées du Modèle d’Ottawa à ces médecins, l’Institut de cardiologie a élaboré le programme ESCAPE (Effective Smoking Cessation in Primary Care). Financé par une bourse d’études de Pfizer Canada inc., ESCAPE est un programme de formation médicale continue (FMC). La formation sur DVD sera déployée auprès des médecins indépendants partout au Canada à partir de juin 2012.

Bien que les défis et les possibilités de traitement des fumeurs varient selon les contextes de pratique individuelle, les groupes de soins primaires et les hôpitaux, les principes du Modèle d’Ottawa demeurent les mêmes. « Ce que nous voulons introduire, explique le Dr Pipe, c’est une approche systématique très intégrée pour identifier les fumeurs, documenter leur état et proposer des interventions appropriées visant à les informer sur l’abandon du tabac et à les aider à cesser de fumer. »

Mme Papadakis parle du programme ESCAPE comme d’un « Modèle d’Ottawa en boîte ». Contrairement à la mise en œuvre du Modèle dans les hôpitaux et les cliniques, qui nécessite un encadrement et une formation sur place par le personnel de l’Institut de cardiologie sur une période de trois à six mois, le programme ESCAPE est conçu sur le mode « faites-le vous-même ». « Les ressources ne nous permettent pas de travailler directement avec tous les médecins indépendants du Canada. Nous avons dû identifier les éléments les plus importants de nos interventions et les organiser pour que le programme puisse être offert sous cette forme alternative au lieu que nous soyons là pour donner la formation nous-mêmes », explique-t-elle.

Le programme ESCAPE comprend une présentation de 40 minutes sur la manière d’effectuer une intervention avant-gardiste en matière d’abandon du tabac dans des milieux de soins primaires indépendants. Six autres modules présentent aux médecins de famille des compétences et des protocoles détaillés, comme la façon de travailler avec un patient qui n’est pas prêt à cesser de fumer, et une revue des plus récentes données sur les médicaments antitabagiques. Le programme inclut également des scénarios d’intervention auprès des patients, mettant en scène des médecins et des acteurs dans le rôle des patients. « Ces scénarios montrent à quoi ressemblent vraiment les pratiques exemplaires », explique Mme Papadakis.

Une grande partie du matériel vise à rectifier quelques croyances dépassées au sujet du tabagisme et de l’abandon du tabac qui ont encore cours dans la communauté médicale. « De nombreux cliniciens se fient à des concepts dépassés et adoptent des attitudes archaïques pour s’attaquer au tabagisme », explique le Dr Pipe. L’un de ces concepts les plus courants, et les plus contre-productifs, est la sous-utilisation des médicaments antitabagiques disponibles.

« L’idée selon laquelle “vous n’avez qu’à utiliser un timbre ou mâcher une gomme pendant quelques semaines et tout sera réglé” s’est révélée totalement dépassée », explique-t-il. Il faut appliquer à l’abandon du tabac les mêmes principes que l’on applique à la gestion d’autres facteurs de risque de la maladie du cœur, comme l’hypertension ou l’hypercholestérolémie, y compris le recours aux médicaments pendant tout le temps nécessaire, précise-t-il.

Les médecins qui participent au programme ESCAPE apprendront aussi comment réagir aux réticences les plus courantes des patients à utiliser les médicaments pour s’aider à cesser de fumer. « Il existe beaucoup de documentation sur le fait que les patients préfèrent cesser de fumer d’eux-mêmes – par un sevrage brutal – plutôt qu’avec des médicaments, souligne Mme Papadakis. Mais l’une des normes de soins en matière d’abandon du tabac est que chaque patient prêt à cesser de fumer devrait se voir prescrire des médicaments. C’est considéré comme un ingrédient essentiel du succès. »

Bien qu’il existe de nombreux autres programmes de formation sur l’abandon du tabac pour les médecins, ils ne sont pas nécessairement taillés sur mesure à la réalité de la médecine familiale au Canada, explique Mme Papadakis. « Nous avons travaillé très étroitement avec des médecins de famille au cours des dernières années pour vraiment comprendre ce qui leur est le plus utile, ce qui s’applique le mieux, et nous avons regroupé tout cela dans le programme ESCAPE. »

« Ce programme illustre bien comment l’Institut de cardiologie travaille de façon concertée avec ses collègues des soins de santé primaires, ajoute le Dr Pipe. Notre approche dans l’élaboration de ce programme met l’accent sur la coopération et la coordination – pour apprendre les uns des autres. »