Utiliser les bons outils pour traiter l’insuffisance cardiaque

29 mai 2012
Christine Struthers, infirmière de pratique avancée (à gauche), et la Dre Lisa Mielniczuk, cardiologue, travaillent tous les jours avec des patients atteints d’insuffisance cardiaque à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. L’Institut de cardiologie offre une gamme complète de traitements, incluant les médicaments standards, les dispositifs implantables, l’éducation du patient, les conseils sur le mode de vie et le télémonitorage à domicile.

L’insuffisance cardiaque est une maladie qui met au défi tout autant le patient que le système de santé. Cette maladie souvent évolutive, qui peut avoir plusieurs causes mais pour laquelle il n’existe aucun remède, peut être prise en charge de manière efficace. Il faut y mettre un effort complexe qui exige de la diligence et un suivi attentif, mais une récente étude évaluant l’efficacité des traitements de l’insuffisance cardiaque recommandés dans les lignes directrices souligne l’importance d’appliquer ces traitements.

Crise cardiaque, hypertension non traitée, arythmie, valvulopathie, cardiomyopathie, cardiopathies congénitales : toutes ces pathologies peuvent mener à l’insuffisance cardiaque en affaiblissant ou en endommageant le cœur, qui est alors incapable de pomper le sang avec assez de force pour alimenter le reste du corps en sang et en oxygène.

Avec la prévalence des facteurs de risque et les causes directes de l’insuffisance cardiaque qui sont en hausse, on prévoit que le nombre de patients atteints de cette maladie montera en flèche au cours des prochaines décennies. Une analyse prédit que le nombre d’hospitalisations pour cause d’insuffisance cardiaque triplera d’ici l’année 2050 (voir l’encadré à la page suivante).

De nombreux chemins mènent à l’insuffisance cardiaque, mais tous les patients qui en souffrent sont confrontés à la nécessité de s’engager activement dans la prise en charge de leur état. « Je dis à mes patients que la gestion de l’insuffisance cardiaque repose sur un effort concerté entre le médecin et le patient », explique la Dre Lisa Marie Mielniczuk, cardiologue. La Dre Mielniczuk est médecin à la Clinique de fonction cardiaque de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) et directrice médicale de la Clinique d’hypertension pulmonaire et du programme de télémonitorage.

L’efficacité des soins basés sur des lignes directrices

Les lignes directrices sur les soins à donner en cas d’insuffisance cardiaque recommandent un ensemble d’interventions médicales, chirurgicales et comportementales. L’étude IMPROVE-HF, dont les résultats ont été publiés cette année dans le Journal of the American Heart Association, s’est penchée sur six de ces traitements courants et a montré que tous réduisaient substantiellement le risque de mortalité pour les patients atteints d’insuffisance cardiaque, selon une évaluation faite deux ans après le début du traitement. Ces six traitements incluent trois classes de médicaments (bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine/inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine et anticoagulants pour la fibrillation auriculaire), deux dispositifs implantables (TRC et DAI) et l’éducation du patient.

Les bienfaits de chaque traitement réussi évalué par l’étude IMPROVE-HF étaient substantiels : les bienfaits les plus notables sont venus de l’utilisation des bêtabloquants et du traitement de resynchronisation cardiaque qui diminuent le risque de mortalité de 58 p. 100 et de 56 p. 100 respectivement. L’éducation des patients, élément essentiel pour aider les patients à comprendre les justifications médicales qui se cachent derrière les traitements médicamenteux ardus et les changements au mode de vie, réduit le risque de mortalité de 27 p. 100.

Les effets de ces traitements semblent cumulatifs, de sorte que l’application de quatre ou cinq de ces traitements pour un patient accroît les bienfaits. La combinaison la plus profitable examinée – réunissant un bêtabloquant, un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou un inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine, un défibrillateur automatique implantable, un anticoagulant et l’éducation – a réduit de manière spectaculaire le risque de mortalité de 83 p. 100.

Heart Failure Facts
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Tous ces traitements sont la norme à l’Institut de cardiologie, selon la Dre Mielniczuk. « Notre Clinique de fonction cardiaque offre aux patients une gamme complète de soins basés sur des pratiques exemplaires, des traitements médicaux énergiques aux stimulateurs et autres dispositifs cardiaques en passant par le soutien mécanique, les transplantations et même les soins palliatifs pour les patients qui sont arrivés à ce stade », ajoute-t-elle. L’éducation des patients – sur les restrictions alimentaires, l’apport en liquide, l’activité physique, la gestion du poids et de la tension artérielle, la prise adéquate de médicaments et autres – et le télémonitorage subséquent contribuent à garder les patients sur la bonne voie.

De nombreux soins offerts aujourd’hui auraient été jugés trop intensifs il y a quelques années à peine, mais de récentes études ont montré que des patients plus âgés peuvent tolérer et bénéficier de ces traitements et que certaines thérapies que l’on croyait bénéfiques seulement pour les patients présentant un risque élevé de mortalité profitent également à des patients dont le risque est moins élevé. Par exemple, l’étude RAFT de l’Institut de cardiologie, publiée en 2010, a montré que le traitement de resynchronisation cardiaque pouvait réduire de 24 p. 100 le risque de mortalité chez les patients insuffisants cardiaques par rapport à l’utilisation d’un défibrillateur automatique implantable, y compris chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque légère ou modérée.

La Clinique de fonction cardiaque de l’Institut de cardiologie est l’une des cliniques d’insuffisance cardiaque ayant le plus fort volume de patients au Canada, recevant entre 2 500 et 3 000 patients par année. « Les résultats de l’étude IMPROVE-HF soulignent l’importance des programmes de gestion de la maladie pour la survie des patients, comme notre Clinique de fonction cardiaque et le programme de télémonitorage. Ces choses, l’Institut de cardiologie les fait déjà et les fait bien », souligne la Dre Mielniczuk.

Cependant, plusieurs patients insuffisants cardiaques n’ont pas accès à ce type de cliniques et de centres universitaires spécialisés. En fait, environ la moitié de tous les patients atteints d’insuffisance cardiaque au Canada sont traités par un médecin généraliste ou un médecin de famille plutôt que par un cardiologue.

« Ce que les médecins de la communauté doivent retenir de cette étude, c’est qu’un traitement éprouvé scientifiquement fonctionne en situation réelle et que leurs patients devraient profiter de ce type de traitement. Ils devraient aussi savoir qu’en dirigeant leurs patients atteints d’insuffisance cardiaque avancée vers un programme de monitorage comme ceux qu’offre l’Institut de cardiologie, ils peuvent les aider non seulement sur le plan de la morbidité, mais également de la mortalité », précise la Dre Mielniczuk.

Certains malentendus concernant les pratiques exemplaires en matière d’insuffisance cardiaque persistent dans la communauté, ajoute Christine Struthers, infirmière de pratique avancée au Service de télésanté cardiaque. « Au cours des 10 à 15 dernières années, les plus grands changements dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque sont dus au fait que l’on dispose enfin de médicaments que l’on sait efficaces. Nous n’avions pas cela avant. Il est donc urgent d’informer les gens au sujet de ces médicaments. Les bêtabloquants sont aujourd’hui les médicaments qui améliorent vraiment la fonction cardiaque et la survie; autrefois, on pensait que les bêtabloquants ne pouvaient pas être administrés à des patients insuffisants cardiaques. Nous devons encore rassurer certaines personnes en leur disant que c’est correct », dit-elle.

Responsabiliser le patient

Il faut aussi éduquer les patients atteints d’insuffisance cardiaque pour qu’ils apprennent à défendre leurs propres intérêts et à se soigner eux-mêmes afin de prévenir l’aggravation inutile de leur état et de coûteuses réadmissions à l’hôpital. « C’est très important de responsabiliser les patients afin qu’ils comprennent pourquoi ils prennent leurs médicaments, en faisant un lien avec leur fonction cardiaque – quels sont les effets de ces médicaments sur le cœur. Je pense que c’est la seule façon d’assurer l’innocuité et de s’assurer que les patients participent à leurs soins – pour véritablement leur donner les moyens de connaître les médicaments qu’ils prennent et les raisons pour lesquelles ils les prennent », explique Mme Struthers.

Il existe de nombreux malentendus concernant la façon dont les médicaments de l’insuffisance cardiaque fonctionnent, ajoute-t-elle. Par exemple, les patients pensent souvent que si on augmente la dose, ça signifie que leur état s’est aggravé. Mais dans le cas des bêtabloquants, il faut commencer par une faible dose, puis l’augmenter progressivement. « Pendant cette période, il est normal que les patients se sentent moins bien qu’ils le seront par la suite. Ils doivent être informés de cela et s’y attendre, autrement ils vont cesser de prendre leurs médicaments », précise Mme Struthers.

Les patients doivent comprendre pourquoi les médicaments les aident, mais il est tout aussi important qu’ils connaissent et apportent les changements nécessaires à leur mode de vie pour bien gérer leur maladie – restrictions sur le sel et l’apport en liquide, augmentation de l’activité quotidienne et connaissance de leurs symptômes, c’est-à-dire les signes normaux et les signes de danger, précise la Dre Mielniczuk.

« Il faut éduquer les patients sur les médicaments et sur l’autogestion des soins. Ça ne donne pas d’aussi bons résultats si on ne fait pas les deux », souligne Mme Struthers. Par contre, l’union des deux fonctionne très bien, comme en témoigne la diminution de près de 30 p. 100 du risque de mortalité observé avec l’éducation seule dans l’étude IMPROVE-HF.

Mme Struthers raconte que récemment le personnel de la clinique a conseillé par téléphone un patient atteint d’insuffisance cardiaque qui a ensuite réussi à perdre 3 kg en rétention de liquide. « Il se sent maintenant beaucoup mieux. Avant de nous parler, il n’avait aucune idée de ce que faisait le sel, aucune idée qu’il ne pouvait pas boire en quantité illimitée. L’éducation seule a eu une influence considérable – il s’est très bien tiré d’affaire grâce à l’autogestion des soins. »

Les patients de l’Institut de cardiologie ont l’avantage d’avoir accès non seulement à des médecins spécialistes, mais également à des infirmières qui ont une formation spécialisée en insuffisance cardiaque et à toute une équipe multidisciplinaire qui participe à l’éducation des patients. « Nous disposons de plusieurs services et stratégies pour ces patients, et dans l’ensemble, nous avons observé une diminution du nombre de réadmissions. Je pense que l’enjeu, maintenant, est d’offrir plus d’initiatives éducatives dans la communauté pour assurer une meilleure continuité des soins », conclut-elle.