Des lignes directrices relatives à la sarcoïdose cardiaque font la lumière sur une maladie rare

23 juin 2014
La sarcoïdose cardiaque peut progresser rapidement : La présence de sarcoïdose cardiaque est révélée sur cette image TEP du corps entier (gauche) par les régions sombres dans le cœur. Le patient de sexe masculin dans la mi-quarantaine, vu à la Clinique de sarcoïdose cardiaque de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, a reçu un défibrillateur automatique implantable pour gérer l’arythmie causée par son état, mais il a refusé la stéroïdothérapie par crainte des effets secondaires. Huit mois plus tard, un examen d’imagerie de suivi (droite) montre une importante propagation de la maladie dans le tissu musculaire du cœur.

Maladie rare et encore mal comprise, la sarcoïdose cardiaque peut affecter le réseau de conduction électrique du cœur et provoquer des battements de cœur irréguliers potentiellement graves, appelés « arythmies ». En mai de cette année, la Heart Rhythm Society a publié les premières lignes directrices internationales pour le diagnostic et le traitement de la maladie.

Un groupe d’experts coprésidé par David Birnie , M.D., de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO), a élaboré ces recommandations qui fournissent une voie à suivre fort attendue pour les cliniciens qui doivent cerner et gérer les arythmies associées à la sarcoïdose cardiaque. En raison de la rareté de cette maladie, il existe peu de données à son sujet; ces lignes directrices sont donc le reflet d’un consensus établi sur l’expérience de ceux qui ont suivi des patients qui en sont atteints.

L’expérience du Dr Birnie en matière de sarcoïdose cardiaque remonte à 2006, quand une femme dans la cinquantaine s’est présentée à l’Institut de cardiologie avec un rythme cardiaque anormal, mais sans autre signe de troubles cardiaques.

Cardiologue-électrophysiologue et directeur du Service d’arythmie de l’Institut de cardiologie, le Dr Birnie a traité l’arythmie au moyen d’un stimulateur cardiaque, puis il n’y a plus pensé – jusqu’au retour, deux ans plus tard, de la même patiente en état d’insuffisance cardiaque. Après des examens approfondis, il s’est avéré qu’elle souffrait de sarcoïdose cardiaque.

Pourquoi ce diagnostic n’a-t-il pas été posé la première fois qu’elle l’a vu, a-t-elle demandé au Dr Birnie? Il n’avait aucune réponse satisfaisante à lui donner. Alors, il s’est employé à en trouver.

Aujourd’hui, le Dr Birnie et ses collaborateurs, Pablo Nery , M.D. (électro-physiologue titulaire) et Rob Beanlands , M.D. (chef de la Division de cardiologie et directeur du Centre national de TEP cardiaque), ont mis en place la Clinique de sarcoïdose cardiaque pour traiter les personnes atteintes de cette maladie et mener des recherches pour en apprendre davantage à son sujet.

« Nous progressons, dit le Dr Birnie. Il y a six ans, nous n’allions nulle part. »

La sarcoïdose peut attaquer plusieurs organes et tissus, le plus souvent les poumons. La maladie se caractérise par la formation d’amas de globules blancs, appelés « granulomes ». Dans la sarcoïdose cardiaque, ces granulomes se forment souvent dans le muscle cardiaque. La cause demeure inconnue, mais elle pourrait mettre en jeu une réaction démesurée du système immunitaire après une exposition à une bactérie ou un virus. On pense aussi qu’elle peut avoir une composante génétique.

La sarcoïdose est une maladie rare qui touche entre 5 et 64 personnes sur 100 000, selon la race, le lieu de vie et d’autres facteurs. Au Canada, environ 7 000 personnes pourraient en souffrir. C’est une maladie souvent bénigne, mais qui peut se révéler plus grave, en particulier si elle touche le cœur. Les symptômes d’une atteinte cardiaque sont présents dans environ 5 p. 100 de tous les cas. Quand la sarcoïdose cardiaque n’est pas bénigne, elle peut causer de graves dommages, allant jusqu’à l’insuffisance cardiaque et le décès soudain, ce qui rend son dépistage et son traitement précoces si importants si l’on veut prévenir une telle escalade.

« Nous voulons trouver les patients atteints d’une forme bénigne et les rassurer, explique le Dr Birnie. Et nous voulons trouver les patients plus gravement touchés pour les traiter de manière plus énergique. »

Malheureusement, pour l’instant, il est impossible de prédire quels patients présenteront une forme relativement bénigne de la maladie et chez lesquels la maladie progressera. Cependant, les techniques d’imagerie pourraient changer la donne.

« Avec la TEP [tomographie par émission de positons] et l’IRM [imagerie par résonnance magnétique], nous pouvons maintenant diagnostiquer la maladie chez les patients qui en sont atteints, explique le Dr Beanlands. Nous cherchons à savoir quelles caractéristiques permettent de prédire qu’une personne verra son état s’aggraver et aura besoin de traitements en nous fondant sur le degré d’inflammation dans le cœur. »

Vu le manque de certitude quant à l’évolution de la maladie chez un patient donné, il est important que tous soient traités. On donne généralement des corticostéroïdes, comme la prednisone, pour réduire l’inflammation dans le cœur. L’inflammation provoque la formation de tissu cicatriciel dans le muscle cardiaque, et « une fois que c’est cicatrisé, il n’est pas possible de faire marche arrière », précise le Dr Nery.

La Clinique de sarcoïdose cardiaque reçoit toutes les personnes qui répondent aux critères de la sarcoïdose cardiaque : jeunes, en général entre 25 et 45 ans, sans autre symptôme de maladie du cœur que l’arythmie. La clinique a réussi à trouver des patients atteints de sarcoïdose cardiaque et les suit pour évaluer leur réponse au traitement. L’objectif général de la recherche est de valider l’idée qu’un dépistage et un traitement précoces peuvent faire une énorme différence.

La recherche comporte trois volets :

  1. Évaluer la fréquence de la sarcoïdose cardiaque chez les patients atteints d’arythmies sans cause apparente.
  2. Évaluer la fréquence de la sarcoïdose cardiaque chez les patients atteints de sarcoïdose dans d’autres régions du corps, notamment dans les poumons.
  3. Évaluer et améliorer l’utilisation des techniques d’imagerie de pointe, comme la TEP et l’IRM, afin de mieux diagnostiquer et surveiller la sarcoïdose cardiaque.

En raison du petit nombre de personnes touchées, les médecins ont aussi été à l’origine de l’ étude CHASM-CS , une étude de cohorte prospective multicentrique sur la sarcoïdose cardiaque, qui recueille des données sur des patients atteints de la maladie dans plusieurs centres du Canada et un centre au Japon, soit l’Université d’Hokkaido. Hiroshi Ohira, rattaché au site d’Hokkaido, poursuit sa formation spécialisée à l’Institut de cardiologie et a joué un rôle déterminant pour faciliter cette collaboration internationale. Cette étude permettra aux médecins de mieux éprouver leurs hypothèses sur la sarcoïdose cardiaque auprès d’un plus grand nombre de patients.

Aux dires du Dr Nery, la recherche en cours à la Clinique de sarcoïdose cardiaque a positionné l’Institut de cardiologie comme pôle de référence pour le diagnostic et le traitement de la sarcoïdose cardiaque.