Diagnostics à portée de la main

23 février 2015
Les Drs Ben Hibbert (à gauche) et Michel Le May ont dirigé l’évaluation de l’écho de poche à l’Institut de cardiologie afin de comprendre comment il peut être utilisé au mieux dans la pratique courante. Ils ont recueilli à ce jour des données chez plus de 1 000 patients.

Un appareil de la grosseur environ d’un téléphone intelligent permet aux cardiologues de générer des images du cœur des patients au point de service, leur permettant de poser des diagnostics plus éclairés et même d’intervenir plus tôt. Le résultat? Des soins et des résultats améliorés et, possiblement, une réduction du coût des soins de santé.

Ce dispositif est un appareil d’échographie portatif doté d’une sonde cardiaque que l’on appelle « écho de poche » (écho étant l’abréviation d’« échocardiogramme »). Le cardiologue, Dr Ben Hibbert, Ph. D., a dirigé l’évaluation de ce dispositif à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa en 2013, alors qu’il était résident en chef. « C’est un développement transformationnel », affirme-t-il. Dans 10 ans, il s’attend à ce que chaque cardiologue — et peut-être même chaque médecin de famille — aura un de ces appareils dans sa poche.

Ajouter des éléments visuels à l’équation

Pendant des décennies, les médecins ont utilisé le stéthoscope pour écouter le cœur et déduire ce qui n’allait pas d’après ce qu’ils entendaient. C’est un outil important, mais, comme le dit le Dr Michel Le May , directeur de l’Unité des soins intensifs en chirurgie cardiaque, « il y a un élément d’imprécision ».

Puis, il y a environ 40 ans, un progrès énorme a été réalisé. Avec la mise au point de l’échographie, les médecins disposaient d’un moyen non effractif de voir et d’acquérir des images de ce qui se passe dans le cœur et ils pouvaient fonder leur diagnostic et leurs décisions thérapeutiques sur ces images. Appelées échocardiogrammes, ces images constituaient un immense progrès dans le soin des patients cardiaques, permettant aux cardiologues de « voir ce qu’on ne peut entendre avec nos oreilles », déclare le Dr Le May.

« C’est l’équivalent d’un iPhone dans notre poche »

 

– Michel Le May, M.D Directeur, Unité des soins intensifs, ICUO

 

L’échocardiographie procure aux médecins des informations importantes sur la structure et le fonctionnement du cœur, mais ces appareils sont massifs et encombrants, et pas toujours pratiques dans une situation d’urgence.

Maintenant, les médecins de l’Institut de cardiologie utilisent l’écho de poche pour acquérir instantanément des images du cœur des patients au point de service.

« C’est l’équivalent d’un iPhone dans notre poche », affirme le Dr Le May. « La qualité des images est supérieure à celle des appareils massifs que nous avions lorsque j’étais résident. »

L’impact de l’imagerie en temps réel

L’écho de poche mobile aide les cardiologues de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa à évaluer rapidement les patients, à orienter les soins et à surveiller le rétablissement. Ici, Dr Ben Hibbert, boursier en cardiologie, utilise ce dispositif chez un jeune patient.

Dans environ 80 pour cent des cas, l’information que les médecins recueillent au moyen d’un stéthoscope est suffisante. Mais dans environ 20 pour cent des cas, selon le Dr Le May, l’écho de poche fournit de nouvelles informations qui changent le diagnostic, éclairent le plan thérapeutique et orientent même les interventions, comme l’insertion d’une aiguille pour drainer le liquide accumulé dans une cavité du cœur.

Dans un grand nombre de ces cas, note le Dr Hibbert, sans l’écho de poche, une échocardiographie ne serait pas effectuée le jour même, ou ne serait même pas prescrite. En effet, dans une situation d’urgence, il n’y a tout simplement pas assez de temps pour amener le patient à l’appareil d’échocardiographie standard. Or dans cette situation d’urgence, l’écho de poche peut aider à poser le diagnostic et aider à procéder à une intervention qui peut stabiliser l’état du patient avant la chirurgie.

Les Drs Le May et Hibbert s’entendent pour dire que l’écho de poche ne remplacera pas l’échocardiographie formelle. L’écho de poche n’a pas la fonctionnalité d’une échocardiographie complète et ses images ne sont pas aussi claires. Ce qu’elle peut faire, par contre, est de dépister les patients qui n’ont pas besoin d’une échocardiographie complète, réduisant ainsi l’imagerie inutile. Bien que cet aspect de son usage n’ait pas été formellement étudié, note le Dr Hibbert, c’est probable que l’écho de poche aidera à faire un meilleur usage des ressources rares, réalisant ainsi des économies sans affecter les soins des patients ou les résultats thérapeutiques.

Une partie de la pratique quotidienne

En 2012, l’Institut de cardiologie a fait l’achat de son écho de poche, un produit de General Electric appelé Vscan, grâce aux dons consentis. Les Drs Le May et Hibbert se sont ensuite assurés que les résidents en cardiologie se servent régulièrement de cet appareil auprès de leurs patients pour comprendre comment l’utiliser au mieux dans la pratique courante. Ils ont recueilli à ce jour plus de 5 000 images chez plus de 1 000 patients. Le Dr Hibbert examine les données afin de déterminer l’impact de l’écho de poche sur les soins des patients et les résultats thérapeutiques.

« Il n’y a probablement personne au Canada qui possède les données que nous avons », affirme le Dr Le May. Les Drs Le May et Hibbert ont déjà publié des articles portant sur ces données et prévoient en rédiger beaucoup d’autres à l’avenir.

Le Dr Le May est enthousiaste à propos du potentiel de l’écho de poche. À l’Institut de cardiologie, il s’attend à ce que dans quelques années, chaque résident et cardiologue aura son propre écho de poche. De plus, son application va bien au delà de la cardiologie.

« C’est un outil fort utile à l’Unité de soins intensifs et au Service des urgences et un excellent outil d’apprentissage », dit-il. « Dans 10 ans, l’écho de poche sera la norme de pratique, peut être même dans les cabinets des médecins de famille. »

Pour sa part, le Dr Hibbert a intégré l’écho de poche dans sa pratique quotidienne. « Quand ma pratique m’amène ailleurs et que je n’ai pas accès à l’écho de poche, je me sens pratiquement nu sans lui, car cet outil est devenu une partie intégrale de mon travail. »