Prendre soin des aidants naturels : reconnaître leurs défis

22 octobre 2015

Une crise cardiaque ou une opération du cœur sont des événements majeurs qui n’affectent pas seulement les patients; ils ont des répercussions en chaîne sur les membres de la famille et les amis. La vie des proches qui endossent le rôle d’aidant naturel peut être complètement chamboulée, parfois à long terme. Les changements peuvent être stressants, imprévus et, à la longue, exténuants.

« Un rapport diffusé cette semaine par Qualité des services de santé Ontario révèle que, parmi les personnes qui prennent soin d’un proche à domicile, une sur trois éprouve de la détresse, de la colère ou de la dépression – c’est deux fois plus qu’il y a cinq ans. Bon nombre d’entre elles se sentent incapables de continuer à donner ces soins ».

« À bien des égards, la situation du patient est plus simple », explique Patti Robbins, infirmière en réadaptation à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa (ICUO) qui travaille depuis plus de 30 ans auprès des patients convalescents et de leurs familles. « Les patients se laissent guider, alors que les proches se posent énormément de questions; ils se sentent souvent dépassés par toutes les incertitudes liées à cette situation anormale. »

« Avant tout, les aidants naturels ont peur, insiste Patti Robbins : ils ont peur que leur partenaire ne se réveille pas; ils ont peur de devoir réagir à des événements imprévus à la maison; ils ont peur des répercussions que l'état de leur proche pourrait avoir sur leur vie quotidienne. »

Tant que les patients sont hospitalisés, les coordonnateurs en soins infirmiers s’assurent que les familles sont bien soutenues. Mais, après le congé, la situation est bien différente. Le patient et sa famille rentrent chez eux et se retrouvent d’un coup complètement seuls.

« Tout le monde se serre les coudes durant la phase aiguë », remarque Jane Brownrigg, gestionnaire des services cliniques en réadaptation cardiaque. « Mais une fois à la maison, la réalité quotidienne s’installe. »

Cette réalité est souvent difficile, parce que les patients et leurs aidants naturels (souvent le conjoint ou la conjointe, mais parfois un parent ou un enfant devenu adulte) se démènent pour gérer non seulement la convalescence, mais aussi tout un tas de problèmes connexes.

La pression sur les aidants naturels

Les répercussions des problèmes cardiaques d’un proche sur son aidant naturel peuvent se manifester par toute une gamme d’émotions ou par divers autres signes :

Anxiété et stress : Il n’est pas rare que le stress et l’anxiété affectent autant, voire davantage, le partenaire que la personne malade, fait remarquer Heather Tulloch, Ph.D., psychologue à l’ICUO. Et ce n’est pas vraiment surprenant; le patient s’occupe uniquement de sa convalescence, alors que l’aidant naturel doit se charger de tout le reste : tenir la maison, prendre soin de son partenaire malade et se charger de toutes les autres tâches quotidiennes. 

Changement de rôle : En général, les responsabilités au sein d’un foyer sont partagées. Par exemple, un des partenaires se concentre sur les tâches ménagères, comme la cuisine et le ménage, alors que l’autre se consacre à l’entretien des espaces extérieurs, comme le jardinage, le pelletage de la neige, etc. Lorsqu’un des deux partenaires n’est pas en mesure d’assumer ses responsabilités habituelles, l’autre doit compenser. Et le fait de remplir un rôle peu familier peut être une source de stress et d’anxiété.

Incertitude à l’égard du processus de récupération : On recommande aux patients de pratiquer une activité physique quotidienne pour accélérer leur convalescence. Mais, pour les aidants naturels, le fait de voir leur proche reprendre certaines activités aussi rapidement après un problème médical grave peut être très anxiogène, et c’est compréhensible. « Ce que j’entends le plus souvent de la part des aidants naturels, c’est qu’ils ont peur que leur proche en fasse trop », explique Jane Brownrigg. La tendance à les surprotéger est extrêmement courante, mais, selon l’ergothérapeute Linda Varas Brulé, « il est souhaitable que les patients se prennent en charge le plus possible, car cela facilite leur récupération. »

Des responsabilités accablantes : À l’hôpital, une équipe complète de professionnels se consacre à la récupération des patients. Après le retour à la maison, la tâche qui revient aux aidants naturels peut peser lourd sur leurs épaules. Ils deviennent responsables de la convalescence de leur partenaire : ils doivent gérer la prise des médicaments, l’adoption de saines habitudes de vie, la logistique associée aux nombreux rendez-vous médicaux, le transport, la préparation des repas, etc. Et quand les patients n’apportent pas les changements au mode de vie recommandés par les professionnels de la santé, les aidants naturels peuvent avoir l’impression qu’ils ont échoué dans leur mission.

Frustration et colère : Les patients et les aidants naturels savent tous les deux ce qui facilite la récupération : le sommeil, une saine alimentation, l’activité physique, l’abandon du tabac et une bonne gestion du stress. Mais ces changements représentent parfois un grand défi, et les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Comme le note Jane Brownrigg : « aussi motivés soient-ils, les aidants naturels ne peuvent pas imposer ces changements contre la volonté des patients, et cela peut être difficile à accepter pour eux. »

Détresse causée par les changements cognitifs : « Les changements cognitifs consécutifs à un incident cardiaque représentent l’une des principales sources d’anxiété et de stress, note Linda Varas Brulé. Mais ils sont normaux et pas forcément alarmants. Personne ne s’attend à ce qu’un patient se lève et se mette à courir et à sauter, précise-t-elle. C’est exactement pareil pour les capacités cognitives. »

L’évaluation des changements cognitifs compte pour beaucoup dans le processus de réadaptation. Elle permet de s’assurer que les patients reçoivent l’aide dont ils ont besoin pour gérer non seulement ces changements, mais aussi les conséquences émotionnelles de l’incident cardiaque. À cet égard, la participation des aidants naturels est particulièrement importante, parce qu’ils peuvent alerter l’équipe de professionnels en cas de détérioration des capacités cognitives.

Les aidants naturels peuvent aussi contribuer à la récupération des fonctions cognitives, par exemple en stimulant la mémoire par des jeux d’association de mots. « La famille se montre généralement très enthousiaste à l’égard de ces activités », ajoute Linda Varas Brulé.

Aider les aidants naturels à faire face à la pression

Aider les aidants naturels à faire face à la pression est un objectif prioritaire à l’ICUO. Un des rôles essentiels de l’équipe de réadaptation consiste à « normaliser une situation anormale », résume Patti Robbins. Cela consiste à rassurer les patients et leurs aidants naturels en leur faisant comprendre que ce qu’ils vivent fait partie du processus normal de récupération. L’équipe fournit en outre diverses formes de soutien aux aidants naturels :

  • Les aidants naturels sont encouragés à assister aux divers cours et ateliers offerts dans le cadre de la réadaptation. Il est toutefois important qu’ils n’y assistent pas en même temps que la personne dont ils prennent soin : cela leur permet de parler de leurs sources de stress sans que le patient se sente coupable ou responsable.
  • L’équipe offre son aide pour repérer et obtenir différentes ressources (voir la liste de ressources pour les aidants naturels récemment publiée par l’ICUO). «Les membres de l’équipe de réadaptation défendent les intérêts des aidants naturels, explique Patti Robbins. Ils s’assurent qu’ils obtiennent l’aide dont ils ont besoin; que ce soit pour prendre un rendez-vous médical ou collaborer avec la pharmacie, l’équipe joue le rôle d’un facilitateur. »
  • Les aidants naturels peuvent aussi compter sur les membres de l’équipe de réadaptation cardiaque pour leur prêter une oreille attentive et faire preuve de bienveillance. Patti Robbins souligne que les membres de l’équipe passent beaucoup de temps à discuter avec les aidants naturels, assis le long de la piste de réadaptation cardiaque de l’ICUO, pendant que les patients ont leur séance d’exercices.
  • De plus, les aidants naturels peuvent toujours téléphoner aux coordonnateurs des soins infirmiers, et ce, nuit et jour, s’ils ont des questions, ou simplement pour obtenir du soutien émotionnel ou des conseils pratiques.

Cet automne, l’ICUO offrira le programme « Soigner les cœurs à deux » à l’intention de couples dont l’un des partenaires est atteint d’une maladie du cœur. Cette initiative répond à une demande formulée par des patients et des aidants naturels lors de séances de discussion visant à mieux cerner leurs besoins. Ce nouveau programme est une adaptation, par l’équipe de Heather Tulloch, Ph.D., du programme « Serre-moi fort! », élaboré par Sue Johnson, Ph.D., une thérapeute de couple de renommée internationale. Le programme « Soigner les cœurs à deux » cible les besoins particuliers des patients cardiaques et de leurs partenaires. Son but est de renforcer les liens entre les partenaires pour favoriser une bonne communication et la satisfaction des besoins mutuels. Pour Heather Tulloch, ce projet pilote devrait donner lieu à d’autres initiatives de ce type.

« Nous nous efforçons de prévenir l’épuisement chez les aidants naturels, conclut Jane Brownrigg. Les maladies du cœur sont des affections chroniques qui exigent un suivi constant. Il est absolument vital que les aidants naturels soient bien soutenus. »