Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes 2016 : ce que l’on sait sur la maladie cardiaque chez les femmes

16 mai 2016
La conférencière Sharonne Hayes, médecin à la Clinique Mayo, s’adresse aux participants du Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes, qui a eu lieu en avril.

C’est avec enthousiasme et en partageant un sens commun du devoir que les experts de la santé cardiaque des femmes se sont réunis à Ottawa, en avril dernier, à l’occasion du tout premier Sommet sur la santé cardiaque des femmes. Parmi les participants, on comptait des chefs de file en soins cliniques et en recherche d’un peu partout en Amérique du Nord. L’événement avait comme objectif de jeter les bases nécessaires pour lancer une discussion nationale sur l’importance de la maladie cardiaque chez les femmes et susciter l’intérêt du public, des professionnels de la santé et des décideurs politiques canadiens envers cette cause. 

La maladie du cœur est la cause principale de mortalité chez les femmes dans le monde et tue plus de femmes que tous les types de cancer réunis. Pourtant, la maladie du cœur est trop souvent perçue comme un problème masculin. Les gens pensent souvent que c’est le cancer du sein qui semble être le problème de santé le plus répandu chez les femmes. 

Selon des recherches menées par le Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes, qui a coorganisé le Sommet en partenariat avec la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, les canadiennes elles-mêmes ne sont pas bien informées quant aux symptômes et aux facteurs de risque de la maladie cardiaque.

L’une des conférencières, Sharonne Hayes, médecin à la Clinique Mayo, a indiqué que la question de la santé cardiaque devait être centrale à la santé féminine. Elle a avancé d’entrée de jeu que la santé cardiaque des femmes était un « immense enjeu de santé publique », qu’il existait un véritable fossé entre ce que vivent les hommes et les femmes et qu’il y avait par ailleurs d’importantes lacunes dans les connaissances des femmes et des professionnels de la santé.

À la lumière de ce manque de connaissances, les conférenciers ont, au fil du programme, présenté en quoi la maladie du cœur et les soins en cardiologie étaient différents pour les femmes par rapport aux hommes (voir l’image intitulée Femmes et maladie cardiaque : ce que l’on sait pour avoir un aperçu). Hélas, ces différences ont un impact souvent négatif sur le diagnostic, les soins et le résultat des traitements.

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Facteurs de risque et symptômes

Les différences physiologiques entre les hommes et les femmes expliquent largement en quoi la maladie du cœur a des impacts différents pour les femmes. Sur le plan des risques, par exemple, les changements hormonaux ont des conséquences énormes pour les femmes. Ces hormones offrent aux femmes, plus tôt dans leur vie, une protection qui disparaît à la ménopause. Les facteurs associés à la grossesse sont également étroitement liés à la maladie cardiaque (voir Grossesse et maladie du coeur). La grossesse peut agir comme une épreuve de stress qui peut aider à repérer les femmes qui présentent des risques sous-jacents, mais peut également provoquer l’apparition de problèmes qui augmentent le risque de maladie cardiaque pour le reste de leur vie.

Les facteurs psychosociaux sont également essentiels pour bien comprendre les risques propres aux femmes. Les désavantages socioéconomiques augmentent les risques chez les femmes, peu importe l’origine ethnique ou le groupe d’âge. Les rôles traditionnellement féminins (d’origine sociale), contrairement au sexe (d’origine physiologique) sont également associés à une hausse du risque de crise cardiaque.

S’il est vrai que plusieurs facteurs de risque liés au style de vie sont les mêmes chez les hommes et les femmes, plusieurs de ces facteurs ont un plus grand impact chez les femmes, comme le tabagisme et le diabète. De plus, les fournisseurs de soins de santé ont moins tendance à parler de prévention et de santé cardiaque avec les femmes.

Les symptômes de la crise cardiaque peuvent être semblables chez l’homme et la femme, mais peuvent aussi être différents. Les femmes ressentent moins souvent que les hommes des douleurs à la poitrine, par exemple (bien que la majorité les ressentent tout de même). Certaines femmes ont des symptômes plus légers et plus diffus qui ne sont pas forcément aussi alarmants, comme des faiblesses générales, l’essoufflement, la fatigue ou la nausée. Ces symptômes sont souvent ignorés par les femmes, tout comme par les professionnels de la santé.

Grossesse et maladie du cœur

Le stress et les changements physiologiques qui accompagnent la grossesse peuvent donner des indications quant au risque que court une femme de subir un problème cardiaque plus tard dans sa vie.

Les facteurs de risque liés à la grossesse sont notamment :

  • Problèmes placentaires, comme la prééclampsie (le placenta ne s’implante pas correctement). Ces problèmes touchent environ 7 % des femmes enceintes et augmentent le risque de divers problèmes cardiaques, dont l’arythmie, l’insuffisance cardiaque et l’hypertension chronique. Une prééclampsie précoce au cours de la grossesse augmente le risque de mort prématurée.
  • Le diabète gestationnel augmente le risque de maladie cardiovasculaire. Près d’une femme sur cinq atteinte du diabète gestationnel développera un diabète de type 2 au cours de sa vie.
  • L’hypertension artérielle liée à la grossesse augmente considérablement le risque d’hypertension chronique.
  • La cardiomyopathie du peripartum réduit la capacité du cœur à pomper le sang. Le risque de mortalité associé à cette maladie est de 4 % sur une période d’un an et de 16 % sur une période de sept ans.

Adopter des changements à son style de vie après une grossesse peut évidemment aider à réduire le risque de maladie cardiaque, mais les femmes ont tendance à ne pas faire de suivi après leur accouchement. Nous manquons de données pour façonner des modèles efficaces de soins postpartum. Les lignes directrices canadiennes seront modifiées pour refléter les risques de maladie cardiaque liés à la grossesse.

Les participants au SCSCF 2016 ont pu écouter l’investisseuse Caroline Lalonde partager son expérience avec la maladie du coeur.

Problèmes médicaux

Les circonstances et la nature de la maladie cardiaque chez les femmes peuvent différer vastement par rapport aux hommes. Les femmes ont tendance à développer une maladie du cœur et à subir des crises cardiaques plus tard au cours de leur vie. Ainsi, les patientes ont plus de risque d’être atteintes d’autres problèmes médicaux (comorbidités), ce qui complique leur traitement.

Quant aux maladies coronariennes, les femmes développent plus souvent de l’athérosclérose diffuse plutôt que des dépôts de plaque qui causent souvent des blocages graves chez les hommes. Les femmes ont deux fois plus de risque de développer une insuffisance cardiaque après une crise cardiaque, mais il y malheureusement un important manque de connaissances sur le type d’insuffisance cardiaque la plus commune chez la femme (avec fraction d’éjection, IC-FEP). D’autres types de problèmes cardiovasculaires sont plus communs chez la femme, notamment l’AVC, la maladie de la valvule cardiaque et la dissection spontanée de l’artère coronaire.

Diagnostic

Les symptômes de la maladie cardiaque et les tests diagnostiques sont souvent mal interprétés en raison d’un manque de connaissance et d’un biais inconscient chez les professionnels de la santé. Résultat? Souvent, les femmes ne reçoivent pas le bon diagnostic et leur traitement est donc retardé. D’ailleurs, c’est connu, les jeunes femmes et les femmes qui ne ressentent pas de douleurs à la poitrine ont moins de chance d’obtenir un diagnostic adéquat de crise cardiaque. Et peu importe le niveau socioéconomique ou le groupe d’âge, les femmes ont moins tendance à subir une angiographie après une crise cardiaque.

Certaines épreuves standard donnent des résultats moins précis pour les femmes ou requièrent une interprétation différente. Les épreuves d’effort donnent souvent des résultats peu concluants pour les femmes. Les angiographies semblent souvent normales chez les femmes qui viennent de subir une crise cardiaque. La troponine, un biomarqueur de la crise cardiaque, est moins présente chez les femmes que chez les hommes, ce qui brouille souvent les pistes.

Traitement et résultats

Les retards dans les traitements, le manque de connaissance et l’accès aux soins appropriés ont évidemment des impacts négatifs sur les résultats pour les femmes. De plus, les différences physiologiques entre les hommes et les femmes, tout comme les facteurs psychosociaux, nuisent à l’efficacité de certains traitements. Les recherches les plus pertinentes ont, dans le passé, été menées sur des sujets masculins, ce qui n’aide en rien la situation.

Après une crise cardiaque ou encore en réaction à une insuffisance cardiaque, la forme, la taille et les fonctions du cœur peuvent changer, tant chez l’homme que chez la femme. Le résultat de ce processus, que l’on appelle remodelage, est différent pour la femme. Les femmes ont plus de risque d’incidents hémorragiques liés à des interventions chirurgicales. Les résultats sont également différents pour les femmes en ce qui concerne une panoplie de traitements, dont les pontages coronariens, les angioplasties, les thérapies anticoagulantes, les chirurgies valvulaires mitrales, les implantations transcathéter de valvule aortique (ITVA) et les chirurgies artérielles périphériques.

Les suites d’une crise cardiaque sont généralement pires pour les femmes que pour les hommes. Les femmes ont plus de risque de mourir à l’hôpital après une crise cardiaque et ont moins tendance à pouvoir retourner au travail. Les jeunes femmes qui subissent une crise cardiaque risquent aussi davantage d’en mourir.

La fibrillation auriculaire risque davantage d’entraîner un AVC, une crise cardiaque, une insuffisance cardiaque ou même la mort chez les femmes. De plus, elles ont plus de risque de subir des dommages cardiaques (cardiotoxicité) causés par les médicaments anticancéreux. L’aspirine réduit le risque de crise cardiaque chez l’homme, mais réduit plutôt le risque d’AVC chez les femmes.

En ce qui concerne la convalescence, la réadaptation cardiaque entraîne de meilleures chances de survie chez les femmes que chez les hommes. Malheureusement, les femmes ont moins tendance à être dirigées vers un programme de réadaptation et ont donc moins de chance d’en tirer avantage. Les femmes ont également moins tendance à respecter la médication prescrite par leur médecin.

Il est clair que la façon dont les femmes vivent la maladie cardiaque diffère de celle des hommes à plusieurs égards. Comme l’ont clairement expliqué Karine Humphries, D. Sc., Université de la Colombie-Britannique et ses collègues, maintenant que ces différences ont été repérées, il est temps de faire les recherches qui s’imposent pour mieux comprendre comment on peut s’y prendre pour améliorer le sort des femmes.