La Conférence annuelle sur la recherche en cardiologie d’Ottawa se consacre à la fibrillation auriculaire

24 juin 2016

La FA est un problème médical complexe : sa cause varie d’une personne à l’autre, ce qui en altère les mécanismes sous-jacents, les éléments déclencheurs des épisodes, et la nature des traitements à adopter pour chaque cas. De plus, la FA est parfois difficile à diagnostiquer : elle est de nature épisodique et ne provoque pas forcément de symptôme chez tous les patients.

C’est dans ce contexte que la Conférence annuelle sur la recherche en cardiologie d’Ottawa a choisi la fibrillation auriculaire comme thème pour 2016. Amalgamé cette année à l’International Toronto-Ottawa Heart Summit en collaboration avec le Sommet sur les soins cardiovasculaires de l’Est ontarien, le programme de la conférence comprenait des invités du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni qui ont présenté une vue d’ensemble du problème et ont parlé de ce que nous réservaient les prochaines années.

La conférence était coprésidée par les médecins et chercheurs de l’Institut de cardiologie d’Ottawa David Birnie, M.D., directeur du Service d’arythmie, et Peter Liu, M.D., directeur scientifique.

Facteurs de risque et prévention

Le risque d’être atteint de fibrillation auriculaire est influencé par trois types de facteurs :

  • Personnels (âge, poids, génétique, etc.)
  • Environnementaux et comportementaux (sédentarité, mauvaise alimentation, abus d’alcool, etc.)
  • Comorbidités (maladies cardiovasculaires, diabète, apnée du sommeil, etc.)

Parmi les gens âgés d’au moins 70 ans, 10 % sont atteints de FA. Ce pourcentage continue de croître avec l’âge.

L’obésité est un facteur de risque majeur. Elle semble être liée à l’inflammation systémique associée au syndrome métabolique souvent observé chez les personnes obèses. Comme l’a expliqué Peter Backx, Ph. D., de l’Université de York, l’activité des voies de transmission des signaux extracellulaires associée à l’inflammation augmente chez les personnes atteintes de fibrillation auriculaire.

La présence d’autres maladies cardiovasculaires fait également augmenter les risques. Par exemple, la moitié des patients atteints de FA font de l’hypertension artérielle.

Puisque les divers traitements pour la fibrillation auriculaire ne sont pas toujours efficaces, la prévention devrait être la priorité. Ratika Parkash, M.D., de l’Université de Dalhousie et plusieurs de ses pairs ont insisté sur les effets débilitants de la FA. L’un de ses patients comparait son rythme cardiaque pendant un épisode à la section rocheuse d’un rapide. Les symptômes peuvent notamment être l’essoufflement, la fatigue, l’étourdissement ou l’évanouissement, mais la FA peut aussi provoquer de l’anxiété, la dépression, et un isolement social.

L’activité physique est une façon efficace de réduire les risques de développer la fibrillation auriculaire en plus de diminuer ses impacts négatifs sur la qualité de vie des personnes atteintes. Comme l’a expliqué Jennifer Reed, Ph. D., de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, faire régulièrement de l’activité physique peut aider à gérer cette maladie, à réduire la gravité des symptômes et à améliorer le fonctionnement général du corps.

Le programme de réadaptation cardiaque de l’Institut de cardiologie recommande l’approche suivante pour les personnes atteintes de FA :

  • Être actif au moins trois fois par semaine
  • Activité d’intensité moyenne
  • Durée d’au moins 60 minutes
  • Activités qui font travailler les grands groupes musculaires (marche, jogging, vélo, canot, etc.)

Gérer la maladie

La gestion de la fibrillation auriculaire comporte deux éléments principaux : le traitement de l’arythmie et la prévention des AVC. Divers médicaments existent pour traiter soit les fréquences cardiaques trop rapides ou les fréquences cardiaques irrégulières. Malheureusement, ces traitements ne fonctionnent pas pour tous les patients.

Pour les patients pour qui les médicaments antiarythmisant n’ont pas fonctionné, l’ablation par cathéter constitue la prochaine option de traitement. Cette intervention est efficace chez 60 à 80 % des patients 12 mois après la chirurgie et présente peu de risques de complications majeures. L’objectif de cette intervention est d’améliorer la qualité de vie du patient. Rien ne prouve jusqu’ici qu’elle ne permette de réduire le risque d’AVC. En ce qui concerne la FA permanente, les taux de succès sont inférieurs; des résections plus importantes peuvent être nécessaires.

Les choix de traitements devraient être faits en fonction de la situation de chaque patient, selon le degré de handicap que provoque la FA, les symptômes et les valeurs et préférences de chacun.

La fibrillation auriculaire est à l’origine d’un AVC sur cinq. Comme l’ont expliqué Gregory Lip, M.D., de l’Université de Birmingham, et Hugh Calkins, M.D., de l’Université Johns Hopkins, la prévention des AVC est l’élément le plus crucial de la gestion de la FA.

Le Dr Lips, lors de sa conférence, a discuté de l’évolution des scores risque et de l’aide aux décideurs au sujet de la prévention des AVC. Le score CHA2DS2-VASc a été créé pour pallier le manque à gagner dans le taux de traitement suivant un calcul CHADS2. Le score CHA2DS2-VASc tient en compte de facteurs de risque des AVC additionnels, mais demeure facile à utiliser. Les facteurs de risque moins communs en demeurent toutefois exclus.

Les anticoagulants oraux (ACO) ont supplanté la warfarine comme principale option de traitement pour réduire le risque d’AVC. Il existe quatre ACO qui sont plutôt semblables, nous indique le Dr Calkins. Selon lui, les médecins ont tendance à prescrire celui qu’ils connaissent la plupart du temps.

Puisque l’ablation ne permet pas de réduire le risque d’AVC, les patients qui prenaient des ACO avant l’intervention chirurgicale doivent continuer à en prendre après la chirurgie.

On sait que chez les patients atteints de fibrillation auriculaire, l’appendice auriculaire gauche (AAG) est la principale source de caillots qui provoquent des AVC. De plus en plus, l’utilisation d’appareils servant à bloquer les caillots formés dans l’AAG suscite l’intérêt des spécialistes. Un appareil du genre vient d’être homologué aux États-Unis.

Priorités de recherche

De nombreuses recherches sont menées pour améliorer la compréhension de la fibrillation auriculaire et pour trouver de nouveaux traitements. Une recherche d’intérêt porte sur l’identification de biomarqueurs qui pourraient aider à détecter précocement l’AF ou de détecter les personnes à risque. Le Dr Liu a indiqué que les biomarqueurs pouvaient aussi aider à personnaliser le traitement en permettant de différencier les mécanismes particuliers de l’AF pour chaque patient.

Plusieurs pistes sont actuellement explorées : la pression artérielle, l’inflammation, la fibrose, la mort cellulaire, les canaux ioniques, le système nerveux autonome ou encore la troponine ultrasensible. Le Dr Liu a indiqué que des essais cliniques étaient nécessaires pour évaluer l’efficacité de nouveaux traitements en fonction des caractéristiques propres à chaque patient atteint d’AF.

La génétique offre un autre ensemble de marqueurs qui pourraient mener à des traitements. Comme on l’a dit plus tôt, les médicaments antiarythmiques et l’ablation par cathéter ne fonctionnent pas pour tous les patients. Jason Roberts, M.D., de l’Université Western, a expliqué comment le dépistage génétique pourrait servir à établir des traitements personnalisés. Bien que cette approche soit encore à ses premiers balbutiements, il a rappelé qu’aux fins du dépistage, il n’était pas nécessaire de comprendre le fonctionnement d’un marqueur génétique. Il suffit de savoir si le marqueur est associé à certains résultats thérapeutiques.

Des tests pourraient être effectués en milieu hospitalier pour obtenir rapidement des résultats (lire le compte rendu sur RAPID GENE dans The Lancet). Jusqu’ici, un gène a été associé à une réduction de l’efficacité de l’ablation et quelques données ont été obtenues concernant les médicaments antiarythmiques.

Jeff Healey, M.D., de l’Université McMaster, a soulevé plusieurs questions d’ordre clinique sans réponse. Quelle est la prévalence de la fibrillation auriculaire dans la population générale? Devrait-on faire du dépistage? Selon lui, cela pourrait être fort utile chez les adultes plus âgés. Est-ce que c’est la fibrillation auriculaire qui cause les AVC? La FA cause-t-elle la démence?

Du point de vue comportemental, des recherches additionnelles doivent être faites sur les facteurs de risques contrôlables et sur les impacts sur l’apparition et la gravité de la FA.

En ce qui concerne les soins, la présence et l’accès à des cliniques de fibrillation auriculaire n’est pas assurée partout au Canada. Le Réseau canadien sur l’arythmie cardiaque (CANet) rassemble de nombreux collaborateurs du milieu de la santé, des universités, du gouvernement, de l’industrie, des ONG et des patients qui ont le mandat d’améliorer l’accès, la qualité et l’efficacité des traitements pour l’AF. Un de ses objectifs est de réduire de 20 % les hospitalisations et les admissions dans un service d’urgence dues à la fibrillation auriculaire au cours des 10 prochaines années. Le Réseau canadien pour la prévention des accidents cérébrovasculaires (C-SPIN) est une initiative parallèle qui se concentre sur les AVC.