Kwan-Leung Chan, M.D., est un véritable pionnier dans le domaine de l’échocardiographie et de la cardiologie depuis près de 40 ans. À l’aube de sa retraite, qui débutera à la fin de juin, nous lui avons demandé de revenir sur sa carrière remarquable, marquée par l’innovation, le mentorat et un engagement indéfectible envers l’excellence des soins offerts aux patients à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.
Dès le début de l’échocardiographie unidimensionnelle jusqu’aux techniques d’imagerie 3D de pointe actuelles, le Dr Chan a toujours été à l’avant-garde des moyens utilisés par les cliniciens pour visualiser et comprendre le cœur. Il a non seulement fait progresser la technologie diagnostique, mais a aussi établi des normes de formation et des évaluations de la qualité dans les laboratoires d’échocardiographie de l’Ontario.
The Beat s’est récemment entretenu avec le Dr Chan pour en savoir plus sur son parcours, l’avenir de la cardiologie, l’évolution de l’enseignement et des soins aux patients en cardiologie, et le legs qu’il espère transmettre.
The Beat : Qu’est-ce qui vous a amené vers l’échocardiographie et pourquoi y avez-vous consacré votre carrière pendant près de 40 ans?
Dr Kwan-Leung Chan : J’ai toujours été fasciné par le lien entre l’anatomie et la fonction cardiaques. Quand j’ai commencé dans le domaine, l’échocardiographie était la technologie la plus accessible pour explorer ce rapport. À l’époque, elle était unidimensionnelle. Mais au fil du temps, j’ai eu la chance d’assister et de participer à l’évolution de l’échocardiographie, qui est passée de l’imagerie en 1D à l’imagerie en 2D, puis en 3D. Prendre part à cette transformation a été incroyablement gratifiant.
Vous avez mentoré plus de 70 cardiologues. Quel est votre secret? Et qu’avez-vous appris d’eux?
Il n’y a pas de secret. C’est surtout une question de longévité – je suis dans le domaine depuis longtemps, et notre travail attire des gens qui ont soif d’apprendre. Mais j’ai autant appris d’eux qu’ils ont appris de moi. Leurs questions ont souvent inspiré mes recherches. Bon nombre de mes stagiaires ont accédé à des postes de direction partout au Canada et à l’international.
Vous avez contribué à établir des normes nationales en échocardiographie. De quoi êtes-vous le plus fier concernant cet aspect de votre carrière?
J’ai collaboré à l’élaboration de lignes directrices en formation et participé à l’évaluation de la qualité des laboratoires d’échocardiographie en Ontario. Aujourd’hui, Agrément Canada poursuit ce travail. Il est important que les patients puissent recevoir un niveau de soins uniforme, et je suis fier d’avoir contribué à assurer cette qualité.
Qu’est-ce que la communauté vous a apporté sur le plan personnel?
Elle m’a énormément donné. La participation des patients à la recherche clinique a été l’un des aspects les plus enrichissants de ma carrière. J’ai aussi pris part à des initiatives amorcées par des patients, comme lors de la création à Ottawa de l’Association canadienne du syndrome de Marfan (aujourd’hui appelée l’Association canadienne des maladies génétiques de l’aorte). M’impliquer dans ces initiatives a été extrêmement gratifiant.
Y a-t-il un patient ou un moment dont vous vous souvenez particulièrement comme clinicien et professeur?
Il y en a trop pour tous les nommer, mais une histoire se démarque. L’un de mes premiers patients à l’Institut de cardiologie était un jeune de 16 ans venu ici, par erreur, pour passer une échocardiographie. Nous avons alors découvert qu’il souffrait d’une maladie cardiaque avancée, il a été opéré par le Dr Keon, et je le suis depuis ce jour. Il a aujourd’hui 56 ans et travaille au gouvernement. Cette relation amorcée il y a 40 ans a une grande valeur pour moi.
Quel a été le moment le plus marquant de l’évolution de l’échocardiographie?
Pour moi, c’est le passage de la bidimensionnalité à la tridimensionnalité de l’échocardiographie. Avant la 3D, nous devions imaginer le cœur à partir d’images planes. Grâce à la 3D, nous avons enfin pu visualiser la structure du cœur en temps réel. À ses débuts, la 3D était assez rudimentaire, mais quand même révolutionnaire. Et nous n’avons pas encore tout vu en imagerie 3D, elle progresse constamment.
Vous avez su expliquer des maladies cardiaques complexes à d’innombrables étudiants. Comment faites-vous pour que le déclic se produise?
Je reviens toujours aux notions de base : l’anatomie et la physiologie. J’encourage les étudiants à étudier le modèle anatomique du cœur et à comprendre les relations tridimensionnelles entre les structures. Qu’il s’agisse d’une cardiopathie congénitale ou de complications valvulaires, ces connaissances fondamentales sont essentielles. La technologie évolue, mais pas l’anatomie. Tout ce que nous faisons repose sur la compréhension de cette réalité.
Comment la culture a-t-elle changé en cardiologie depuis vos débuts, particulièrement en ce qui a trait à l’enseignement et aux soins?
La philosophie centrée sur le patient est restée la même, c’est ce qui fait la particularité de l’Institut de cardiologie. Mais l’infrastructure a changé : nous avons maintenant des centres de données, des cliniques spécialisées, comme la clinique de dépistage des maladies valvulaires et les programmes en santé cardiaque des femmes, et de solides capacités de recherche à l’interne. Au départ, nous étions une petite équipe très soudée. L’Institut grandit, mais ses priorités sont toujours les mêmes.
Avez-vous un dernier conseil à donner à vos collègues, à vos patients ou au public?
À mes collègues : ayez conscience de la place unique qu’occupe l’Institut de cardiologie dans notre communauté. C’est un établissement exceptionnel – prenez-en soin et laissez-le prendre soin de vous. Sinon, pas de grands conseils… Seulement de la gratitude.