Un nouveau médicament prometteur contre l’insuffisance cardiaque

10 décembre 2014

Plus d’un demi-million de Canadiens vivent avec une insuffisance cardiaque et 50 000 autres joignent leurs rangs chaque année. Pendant des années, le traitement de référence pour l’insuffisance cardiaque n’a pas changé. Aujourd’hui, un nouveau médicament – tellement nouveau qu’il n’a même pas encore de nom, mais qu’on désigne comme LCZ696 – suscite l’intérêt des cardiologues et de leurs patients.

Une étude clinique sur ce médicament, intitulée PARADIGM-HF , a été arrêtée plus tôt que prévu, parce que les bienfaits du médicament étaient aussi manifestes qu’importants. Bien que le médicament doive encore passer par le processus réglementaire, les nouvelles lignes directrices canadiennes relatives à l’insuffisance cardiaque, qui ont fait l’objet de discussions lors du Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire en octobre, ont accordé au médicament une recommandation conditionnelle, en attendant sa disponibilité et son prix au Canada.

Le bulletin The Beat s’est entretenu avec la cardiologue Lisa Mielniczuk , M.D., pour découvrir ce qu’il nous faut savoir dès maintenant sur le LCZ696 et ce qu’il nous reste à apprendre La Dre Mielniczuk est directrice du Programme d’insuffisance cardiaque à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.

Qu’arrive-t-il en cas d’insuffisance cardiaque?

L’insuffisance cardiaque survient quand le cœur d’une personne n’arrive plus à pomper le sang à travers le corps aussi bien qu’il le devrait. Cette personne peut alors présenter des signes d’essoufflement, de fatigue, de faiblesse ou encore une enflure des jambes, des chevilles et des pieds, des symptômes qui tous réduisent sa capacité à participer aux activités de la vie quotidienne. L’insuffisance cardiaque peut se traiter à l’aide de médicaments et en modifiant son mode de vie, mais elle peut mener, et mène encore à la mort. En fait, le taux de mortalité chez les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque est de 7 p. 100 par année, même chez les personnes qui encourent un risque relativement peu élevé. Chez les personnes dont l’insuffisance cardiaque est plus avancée, le risque de mortalité varie de 50 à 70 p. 100.

Quel est le traitement de référence pour l’insuffisance cardiaque?

À l’heure actuelle, nous traitons l’insuffisance cardiaque avec un amalgame de médicaments, incluant des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) et des bêtabloquants, ainsi que des diurétiques qui provoquent de fréquentes envies d’uriner et aident à prévenir dans le corps l’accumulation de liquides causant l’enflure.

Il s’agit d’excellents médicaments, en particulier quand ils sont pris ensemble. Ils donnent lieu à une diminution de 25 à 30 p. 100 du risque en termes de mortalité et d’invalidité. Mais, nous devons être capables d’en faire plus.

En quoi ce nouveau médicament suscite-t-il tant d’intérêt?

LCZ696 est vraiment très enthousiasmant. C’est le premier médicament depuis longtemps à montrer une nouvelle diminution des décès et de l’invalidité.

Dans l’étude clinique PARADIGM-HF, les patients qui ont reçu LCZ696 étaient plus susceptibles de survivre et moins enclins à être hospitalisés de nouveau en raison de leur insuffisance cardiaque que les patients ayant reçu le traitement courant. Dans l’ensemble, l’ajout du LCZ696 au traitement courant a réduit le risque de décès d’origine cardiovasculaire d’un autre 20 p. 100 [en plus du 25 à 30 p. 100 actuel] et le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 21 p. 100. Les bienfaits du médicament étaient si évidents que l’étude a été arrêtée plus tôt que prévu.

Quel est le mode d’action du LCZ696?

Le LCZ696 agit de deux façons. Tout comme les inhibiteurs de l’ECA et les médicaments du même genre, il bloque les récepteurs de l’angiotensine, ce qui a pour effet d’élargir les vaisseaux sanguins. Ces vaisseaux sanguins plus larges diminuent la tension artérielle, améliorent le débit sanguin et réduisent la charge de travail du cœur.

C’est l’autre propriété du LCZ696 qui est nouvelle et si excitante. Elle permet de bloquer une composante appelée « néprilysine » qui détériore les systèmes neuro-hormonaux du cœur. Ces hormones, présentes naturellement, protègent le cœur et l’aident à fonctionner normalement.

Le LCZ696 deviendra-t-il la nouvelle norme de traitement de l’insuffisance cardiaque?

Il est vraiment trop tôt pour le dire. L’étude clinique portait sur des patients qui présentaient un faible risque dû à leur insuffisance cardiaque et dont l’état était stable. Nous ne savons pas comment LCZ696 se comportera chez des patients dont l’insuffisance cardiaque est plus avancée.

L’étude nous a aussi appris que LCZ696 ne convient pas à tous les patients. Plus précisément, il peut aggraver l’hypotension — tension artérielle basse —, ce qui veut dire qu’il ne convient pas aux patients qui ont déjà une tension artérielle peu élevée.

Que nous reste-t-il à découvrir au sujet de LCZ696?

L’étude nous a fourni des renseignements qui mettent de l’avant un nouvel outil important à ajouter à notre arsenal de lutte contre l’insuffisance cardiaque. Mais, nous ne savons pas encore tout et il faut poursuivre les recherches. Par exemple, bien que nous sachions ce que LCZ696 fait, nous ne savons pas comment il le fait.

Nous devons en apprendre davantage sur les mécanismes d’action du médicament dans le corps. Nous devons aussi découvrir si des doses plus faibles peuvent être efficaces. Nous savons que de plus faibles doses des médicaments utilisés actuellement pour traiter l’insuffisance cardiaque sont efficaces, et cela peut être important pour réduire les effets secondaires.

Enfin, nous devons savoir comment identifier les patients susceptibles de bénéficier le plus de ce nouveau médicament.

Et maintenant, quelle est la suite des choses?

La société qui a mis au point LCZ696 cherchera à obtenir l’homologation du médicament dans chacun des pays où elle souhaite le vendre Au Canada, cela signifie de passer par le processus de réglementation de Santé Canada. Le médicament sera alors étudié par le Programme commun d’évaluation des médicaments de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS), une initiative pancanadienne qui permet aux provinces de se prononcer sur l’ajout de nouveaux médicaments sur la liste des médicaments couverts. Le processus peut être long, en particulier si Santé Canada réclame davantage de données de recherche pour étayer l’efficacité ou l’innocuité du médicament. Au mieux, nous pouvons compter au moins quelques années.