Christopher Sun, B.Sc.A., Ph.D., fait partie d’une nouvelle génération de chercheurs qui exploitent la technologie et l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer les soins de santé. Scientifique à l’Institut de cardiologie d’Ottawa et professeur adjoint à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa, le chercheur travaille au carrefour de l’IA, de l’équité et de l’optimisation des soins de santé. Son objectif? Un système de santé plus rapide, juste et efficace pour le Canada.
Christopher Sun s’est joint à l’équipe de l’Institut de cardiologie en 2022. Il est diplômé de l’Université de Toronto, où il a fait ses études en génie et un doctorat, et a mené des recherches postdoctorales à l’École de gestion Sloan du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ses travaux ont été primés par maints organismes, dont les Instituts de recherche en santé du Canada, l’American Heart Association et la Citizen CPR Foundation. Il a aussi publié dans plusieurs revues prestigieuses, dont le Journal of the American College of Cardiology, Circulation, Health Affairs et le Journal of the American Medical Directors Association.
Dans cet entretien, le chercheur parle de la façon dont l’IA réinvente les soins de santé, notamment en améliorant la précision des diagnostics et en allégeant la tâche des prestataires de soins. Il explique aussi pourquoi la collaboration, l’équité et le rôle de vérification de l’humain sont essentiels alors que les hôpitaux s’engagent dans un avenir guidé par les données.
The Beat : Vous utilisez l’IA pour rendre les soins de santé plus rapides, équitables et faciles d’accès. Comment transformez-vous ces idées en changements concrets pour les patients et les hôpitaux?
Christopher Sun : L’IA aide à rendre les soins de santé plus rapides, équitables et faciles d’accès en automatisant certaines tâches et en améliorant la prise de décision clinique et opérationnelle.
Sur le plan clinique, nous travaillons à des outils d’IA capables d’interpréter rapidement les électrocardiogrammes (ECG). L’objectif est de permettre aux cliniciens de se concentrer sur les cas complexes et d’accélérer les traitements, en particulier dans les hôpitaux et les centres de cardiologie qui n’ont pas autant de spécialistes. Nous travaillons également à un outil d’IA qui analyse des résultats d’imagerie cardiaque pour détecter des problèmes potentiels au-delà du cœur qui pourraient passer inaperçus si un deuxième radiologue n’était pas disponible.
Enfin, nous utilisons l’IA sur le plan opérationnel, pour résoudre des problèmes complexes comme les horaires des salles d’opération, un jeu de Tetris sans fin dans lequel les erreurs coûtent cher. L’IA permet de rationaliser les horaires, de réduire les retards et d’améliorer la satisfaction des patients. Tous ces projets sont en cours à l’Institut de cardiologie et visent à améliorer les soins de santé et l’efficacité de l’hôpital.
Qu’est-ce qui vous a attiré à Ottawa, et dans quelle mesure l’Institut de cardiologie a-t-il influencé vos recherches?
La collaboration entre l’Institut de cardiologie, l’Université d’Ottawa et l’École de gestion Telfer était un attrait majeur pour moi. Je m’intéresse depuis toujours aux façons d’améliorer les systèmes de santé et leur efficacité. À bien des égards, la santé est le plus grand secteur de services au monde : elle repose sur la collaboration entre les personnes, les ressources et les systèmes.
L’Institut de cardiologie d’Ottawa réunit sous un même toit expertise clinique, gestion et expertise en matière de données. C’est un environnement unique. L’établissement et sa direction ont toujours été très favorables à l’utilisation de l’analyse des données et de l’IA pour améliorer les soins, avec l’objectif commun de faire du Canada un chef de file dans ce domaine.
Vous avez parlé d’équité dans les soins. Comment certaines distorsions peuvent-elles se glisser dans les données de santé, et que peut-on faire pour que l’IA traite tout le monde sur un même pied d’égalité?
Il s’agit là d’une préoccupation majeure. Les modèles d’IA apprennent à partir de données historiques. Si ces données sont biaisées, par exemple si certaines maladies cardiaques ont été historiquement sous-diagnostiquées chez les femmes, le modèle reproduira ces erreurs.
Pour résoudre ce problème, nous avons besoin de stratégies délibérées. Tout d’abord, il faut améliorer la qualité et la représentativité des données afin d’assurer des diagnostics précis et une représentation équilibrée de toutes les populations de patients. Il faut ensuite systématiquement contrôler les modèles d’IA pour détecter les écarts de performance d’un groupe de patient à l’autre. Enfin, au lieu de simplement exclure des facteurs comme l’origine ethnique ou le genre, il peut être utile de les inclure explicitement et d’en tenir compte afin de corriger les biais et d’assurer des résultats plus équitables. L’objectif est de mettre au point des outils d’IA qui réduisent les disparités au lieu de les perpétuer.
Il n’est pas toujours facile d’amener de nouvelles technologies dans les hôpitaux. Quels sont les plus gros obstacles à l’utilisation de l’IA en santé?
La mise en œuvre de l’IA dans les hôpitaux est un défi, car la technologie évolue plus vite que ce que les hôpitaux sont à l’aise de gérer. Ces outils soulèvent d’énormes enjeux, car les erreurs peuvent mettre les patients en danger. La réussite dépend fortement d’une collaboration étroite entre les dirigeants, les cliniciens, le personnel infirmier et les chercheurs, afin que chacun fasse confiance aux outils et comprenne leur rôle. Concrètement, cela signifie qu’il faut nettoyer les données pour développer les modèles, valider soigneusement les outils dans le cadre des pratiques cliniques existantes et maintenir une surveillance pour s’assurer que l’IA reste précise, juste et véritablement utile dans les soins de santé.
Vous avez travaillé avec des hôpitaux et des chercheurs du monde entier. Qu’en avez-vous retenu pour le travail que vous faites maintenant à Ottawa?
J’ai eu la chance d’avoir des mentors qui croyaient que la recherche devait avoir un impact réel sur le monde. Ils m’ont appris à me concentrer sur des problèmes qui comptent et à utiliser mes compétences pour améliorer la vie des autres.
Travailler avec des équipes multidisciplinaires, composées par exemple de cliniciens et de scientifiques spécialisés dans les données à Copenhague, Cambridge et Toronto, m’a montré la force de la collaboration. Les meilleures solutions émergent lorsque différents types d’expertise sont réunis dès le départ.
L’École de gestion Telfer vous a récemment attribué le Prix du chercheur prometteur de l’année, et vous êtes titulaire de la Chaire de recherche du Canada en analyse de données pour la transformation des systèmes de santé. Que signifient ces honneurs pour vous et votre travail à l’Institut de cardiologie?
Ils reflètent vraiment l’esprit d’innovation qui règne ici. L’Institut de cardiologie et l’École Telfer ont investi massivement dans les soins de santé fondés sur les données, et c’est grâce à ce soutien que ces succès ont été possibles.
Nous avons eu la chance de recevoir récemment plusieurs subventions importantes, dont une du Fonds des leaders John-R.-Evans de la Fondation canadienne pour l’innovation, une autre du Fonds pour la recherche en Ontario, deux subventions Projet des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et une bourse du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) axée sur l’équité dans l’IA. Il est gratifiant de voir ce travail reconnu et de savoir que nous contribuons à combler le fossé entre la science des données et les soins cliniques.
L’Institut de cardiologie travaille avec Symbiotic AI et l’Université de Calgary à des solutions d’IA pour traiter les maladies cardiaques. Qu’est-ce qui rend ce partenariat intéressant, et comment peut-il aider les médecins et les patients?
Le projet est particulièrement intéressant, car il traduit la recherche en applications concrètes. L’équipe de Calgary a mis au point des outils d’IA qui ont déjà franchi de nombreux obstacles scientifiques et réglementaires.
Pour nous, c’est une occasion d’accélérer nos travaux et de montrer que les universités canadiennes peuvent jouer un rôle de premier plan dans l’intégration sûre et efficace de l’IA dans les soins aux patients.
Vous encadrez des étudiants et de jeunes chercheurs. Quels conseils donnez-vous à ceux et celles qui souhaitent utiliser la technologie pour améliorer les soins de santé?
Tout d’abord, faites preuve de curiosité et d’esprit critique. N’ayez pas peur de partager vos idées, même si elles ne sont pas parfaites : c’est la seule façon d’apprendre. Ensuite, cherchez des mentors et des pairs qui vous soutiennent et qui peuvent vous guider tant sur le plan technique que professionnel. Enfin, lorsque des occasions se présentent, saisissez-les. Vous n’aurez pas toujours une deuxième chance. Enfin, et c’est le plus important, travaillez sur des problèmes qui vous tiennent à cœur. La passion et la persévérance sont les moteurs de la recherche.
Comment pensez-vous que l’IA va changer les soins cardiaques au cours des dix prochaines années, et quel rôle l’Institut de cardiologie d’Ottawa jouera-t-il dans cet avenir?
Je pense qu’on verra émerger plus d’outils conçus pour faciliter le travail des médecins et rationaliser la documentation, l’imagerie et les diagnostics. Au fil du temps, l’IA aidera à guider les décisions thérapeutiques, en proposant des recommandations fondées sur des données.
Toutefois, je ne crois pas que l’IA remplacera un jour les cliniciens. Au contraire, les meilleurs résultats viendront de la collaboration entre l’humain et la machine, chacun complétant les forces de l’autre.
L’Institut de cardiologie d’Ottawa est bien placé pour mener cette transformation et contribuer à façonner les soins cardiaques basés sur l’IA au Canada.
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