Mars, Vénus et l’insuffisance cardiaque : pourquoi elle est plus à risque que lui

16 juillet 2018
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Le cœur des femmes diffère de plusieurs façons de celui des hommes.

Le cœur des femmes diffère de plusieurs façons de celui des hommes. Physiologiquement, bien sûr. D’abord, le cœur des hommes est plus large et pèse en moyenne soixante grammes de plus que celui des femmes. Mais ce n’est pas tout. Chez les femmes, les artères qui amènent du sang bien oxygéné vers le cœur sont typiquement plus petites. Conséquence : les femmes sont plus à risque de développer des caillots de sang ou de former de la plaque artérielle causant des blocages, ce qui rend certaines chirurgies cardiaques plus risquées pour elles. Les valvules cardiaques des femmes sont habituellement moins fermes que celles des hommes. Cela rend les femmes plus à risque de présenter une dysfonction diastolique, qui fait raidir les muscles du cœur entre les battements et qui peut mener à l’insuffisance cardiaque, un problème qui touche une personne sur cinq et qui est la cause de 35 % des décès dus à une maladie cardiovasculaire chez les femmes.

Pour une femme, il ne fait aucun doute que ces chiffres sont troublants. C’est pourquoi les chercheurs de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa espèrent que des nouvelles recherches pourront aider les femmes à mieux comprendre ces statistiques dans les prochaines années. Même si la science a réalisé des avancées importantes en ce qui concerne la gestion de l’insuffisance cardiaque dans la dernière décennie, il en reste beaucoup à découvrir, surtout en ce qui concerne les patients ambulatoires atteints de la maladie.

Dre Louise Sun, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
La Dre Louise Sun est anesthésiologiste à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa et professeure adjointe au Département d’anesthésiologie de l’Université d’Ottawa.

« Si les résultats détaillés spécifiques au sexe se font rares chez les patients hospitalisés, ils sont tout simplement inexistants chez les patients ambulatoires, souligne la Dre Louise Sun, chercheuse clinicienne de la Division d’anesthésiologie cardiaque de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, et auteure principale d’une étude récente publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne, intitulée Sex Differences in Outcomes of Heart Failure in an Ambulatory, Population-Based Cohort from 2009-2013. Une étude approfondie des différences entre les sexes pourrait aider à sensibiliser les chercheurs et mener à des essais cliniques visant à développer des stratégies de suivi et de traitement optimaux spécifiques aux femmes ou aux hommes. » Les résultats de l’équipe de la Dre Sun ont été publiés le 16 juillet.

L’équipe de recherche, constituée principalement de chercheuses, a tenté d’examiner de plus près en quoi le sexe d’une personne pouvait influencer l’incidence, le taux de mortalité, le taux d’hospitalisation et les comorbidités liés à l’insuffisance cardiaque en étudiant tous les résidents de l’Ontario qui avaient reçu un diagnostic d’insuffisance cardiaque comme patient ambulatoire sur une période de cinq ans, entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2014. L’étude incluait les hommes et les femmes de 40 ans au plus qui avaient récemment reçu un diagnostic d’insuffisance cardiaque comme patient ambulatoire. Ceux-ci n’étaient donc pas hospitalisés et ne recevaient pas de traitement pour leur maladie à l’hôpital. Ainsi, sur un total de 90 707 patients ambulatoires, un peu moins de la moitié (47 %) étaient des femmes. Ces femmes étaient généralement plus âgées, plus fragiles, et présentaient souvent différentes comorbidités comme l’hypertension, une maladie pulmonaire chronique, de l’hypothyroïdie, une tumeur métastatique, de la démence, ou de la dépression. Les hommes, quant à eux, étaient plus souvent atteints de fibrillation auriculaire, d’une valvulopathie, de la maladie artérielle périphérique, de diabète, d’une maladie rénale ou du foie, ou avaient subi un infarctus du myocarde.

Dr Lisa Mielniczuk, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
La Dre Lisa Mielniczuk, cochercheuse principale de l'étude, est professeure agrégée de médecine à l’Université d’Ottawa, cardiologue et clinicienne chercheuse à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.

« Cette étude vient souligner les réussites du Équipe de la santé cardiaque des femmes de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa et montre toute l’importance de continuer à étudier les différences entre les sexes dans la façon d’offrir des soins, dans l’accès aux soins et dans les résultats. On continue de faire ce genre d’études à l’heure actuelle », affirme la Dre Lisa Mielniczuk, la co-chercheuse principale de l’étude.

Cette étude concluait aussi que les décès et les hospitalisations liés à l’insuffisance cardiaque étaient plus nombreux chez les femmes que chez les hommes. En effet, le taux de mortalité ajusté pour l’âge était de 89 décès sur 1 000 nouveaux cas d’insuffisance cardiaque en 2009 et de 85 sur 1 000 en 2013, comparativement à 88 décès sur 1 000 pour les hommes en 2009 et 83 sur 1 000 en 2013. De plus, le taux d’hospitalisation pour l’insuffisance cardiaque a pendant cette période diminué chez les hommes, mais augmenté chez les femmes.

« Cela démontre que le taux de morbidité et de mortalité lié à l’insuffisance cardiaque demeure élevé, surtout chez les femmes, pendant cette période, explique la Dre Sun. Ces découvertes soulignent un besoin de réaliser davantage de recherches pour mieux comprendre les différences entre les sexes, particulièrement en ce qui concerne le comportement favorisant la santé, les traitements médicaux et la réponse aux traitements, afin d’améliorer les résultats chez les femmes. »

La Dre Sun tient à honorer la mémoire de son mentor et ami, le Dr Jack Tu, qui est décédé pendant la préparation du texte de cette publication. La Dre Sun et son équipe promettent de garder vivante en eux la flamme qui  animait le Dr Tu et qui le poussait à travailler d’arrache-pied pour une population en meilleure santé, pour des politiques et des services améliorés, grâce à des programmes de recherche cardiovasculaires orientés sur les gens.